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Bassin de rétention d’eau en agriculture :
solution ou problèmes supplémentaires ?
L’eau en agriculture est, et a toujours été, un problème crucial. Des civilisations entières se sont développées et ont conquis leur part du monde parce qu’elles avaient développé des systèmes d’irrigations performants tandis que d’autres ont périclité faute de ressources en eau suffisantes. Il n’est donc pas étonnant qu’une fois de plus cette question soit au centre de l’attention, en particulier dans un contexte de changement climatique.
Soyons clairs, le potentiel de production végétal d’une terre (quelle qu’elle soit) dépend essentiellement de sa capacité à avoir accès à de l’eau en quantité et qualité suffisantes. Et en première approximation il est tout à fait juste d’établir la relation suivante : plus d’eau = plus de production. On peut certes formuler une quantité de contre-arguments, notamment sur la nature et la conservation des sols irrigués, le type de culture adaptée à un secteur géographique ou bien encore les conditions de température sur un secteur donné ; reste qu’un simple regard sur la carte des forêts primaires (plus grosses productrices de biomasse au monde) montre qu’elle est assez bien corrélée avec celle des volumes de précipitations.
Qu’en sera-t-il du volume de ces précipitations tout au long de l’année dans le prochain siècle ?
Une fois cela exposé nous ne sommes cependant pas beaucoup plus avancés. Les « bassines », bonne ou mauvaise solution ? La simple logique pourrait nous faire dire qu’après tout, puisque nous avons de l’eau en hiver et que nous en manquons en été, pourquoi ne pas prélever en hiver, la stocker et la réutiliser en été ? Cela parait logique. D’accord, nous perdrons un peu de la part stockée en surface à cause de l’évaporation, mais c’est toujours mieux que rien.
Prenons cependant le temps d’y réfléchir à deux fois. Si la situation de départ (avant le réchauffement climatique) est à l’équilibre, c’est donc que les besoins l’été sont couverts par les précipitations l’été et les prélèvements dans la nappe ou les rivières tels qu’ils sont à l’heure actuelle. Cela veut aussi dire qu’en hiver les précipitations et le débit des cours d’eaux sont suffisants pour compenser les prélèvements de l’été et pour assurer, l’hiver, tous nos besoins sans provoquer d’effets indésirables majeurs liés à leur volumétrie (inondations, glissement de terrains, etc.).
Cependant qu’en sera-t-il du volume de ces précipitations tout au long de l’année dans le prochain siècle (car il faut avoir ici une vision de très long terme). Vont-elles diminuer globalement sur le territoire français ou bien augmenter ? La question a son importance. Si globalement les précipitations baissent, alors le prélèvement pour stocker dans les bassines (afin d’utiliser cette eau l’été), s’il ne diminue pas, ne sera plus compensé par les volumes de précipitations excédentaires en hiver. C’est donc petit à petit vers un assèchement des nappes que nous allons.
La France va globalement s’assécher, avec une baisse moyenne de 0,2 à 0,3 mm d’eau par jour.
À l’inverse, si les précipitations augmentent ou, au minimum, restent constantes, mais se décalent dans le temps (il pleut davantage en hiver mais moins en été) alors dans ce cas en effet l’idée de stocker l’eau excédentaire en hiver et de la réutiliser en été fait sens. D’autant que cela peut permettre d’éviter des inondations en hiver que ce surplus d’eau ne manquerait pas de provoquer. Il faut tenir le même raisonnement si les précipitations se décalent géographiquement, à ceci près que c’est un réseau de transfert d’eau du nord vers le sud qui sera nécessaire.
Or sur cette question ce que nous dit Jean-Marc Jancovici sur son site c’est que la France va globalement s’assécher (et tout le bassin méditerranéen en fait) avec une baisse moyenne de 0,2 à 0,3 mm d’eau par jour.
Il apparaît donc que la solution du stockage de l’eau seule ne peut être durable. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas l’utiliser mais que nous devons au moins l’accompagner de changements agronomiques qui permettent de diminuer les besoins globaux en eau. Cela veut dire à la fois adapter nos cultures et basculer vers des cultures moins gourmandes en eau (elles existent), mais cela veut aussi dire accepter que les rendements diminuent au moins un petit peu, sauf si les semenciers réussissent à développer des variétés dont la génétique permettent de maintenir le rendement avec moins d’eau. Mais c’est un pari sur lequel il vaut mieux ne pas tout miser, particulièrement dans un pays qui refuse catégoriquement les OGM.
Enfin cela veut aussi dire que nous pouvons essayer de nous rapprocher politiquement des pays qui vont avoir des excédents d’eau (notamment dans le nord de l’Europe) pour voir si une solution de transfert d’eau via des réseaux d’aqueduc est possible, même si cette dernière solution semble très complexe à établir. Encore une fois, la question des moyens que nous sommes prêts à mettre en œuvre pour maintenir notre capacité de production agricole se pose. Et, avant d’y répondre trop vite, n’oublions pas que l’alimentation est la base de notre souveraineté, et que la France grâce à sa surface agricole disponible met en jeu non seulement sa propre sécurité alimentaire mais également celle d’autres pays dépendants de nos exportations.
Firass YASSIN
Responsable de l’Agriculture pour Génération Frexit