CARNET DE CAMPAGNE
ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2022
Comme à chaque élection présidentielle, les candidats rivalisent d’imagination pour attirer à eux les suffrages des citoyens. Taxes, environnement, industrie, énergie, finance, immigration, etc., tout est mis à contribution pour se démarquer de la concurrence. Néanmoins, dans le cadre de l’Union européenne, leurs propositions sont-elles seulement réalisables ? Génération Frexit vous propose d’observer cela avec vous, en s’appuyant sur quelques exemples pris dans les points-clés de leurs programmes.
Anne Hidalgo
« Rendre constitutionnel la protection de l’environnement ? »
EN BREF
Un renforcement des dispositions écologiques dans la Constitution est possible, mais s’il est trop ambitieux, notamment en contrariant le paradigme capitaliste libéral du droit européen, ses effets en seront réduits d’autant.
Faisabilité : Peu utile et peu probable
« La protection des biens communs, de la biodiversité, le principe de non-régression dans la protection de l’environnement et l’obligation de lutter contre le réchauffement climatique et la dégradation de la biodiversité seront inscrits dans la Constitution. »
Concrètement
Il s’agit de modifier la Constitution de 1958 afin de donner à ces principes une valeur supérieure à la loi française, de sorte qu’une disposition votée par le Parlement qui les enfreindrait serait annulable.
PEU UTILE ET PEU PROBABLE
L’intérêt principal d’une telle constitutionnalisation — qui en réalité existe peu ou prou avec la Charte de l’environnement qui a valeur constitutionnelle depuis 2004 — est de donner aux juges un fondement juridique pour opérer un contrôle de proportionnalité. En synthèse, lorsque le Conseil constitutionnel doit estimer la validité d’une loi, il doit contrebalancer plusieurs principes constitutionnels qui s’opposent en tout ou partie et qui, pour certains plaident en valeur de la constitutionnalité de la loi, pour d’autres l’inverse. Édicter de nouveaux principes dans la Constitution permet donc d’orienter cette balance jurisprudentielle.
En principe, les traités européens laissent libres les États membres de modifier leur Constitution nationale. Toutefois, la primauté du droit européen sur le droit national vaut également pour les dispositions constitutionnelles [CJCE 15 juillet 1964, Costa contre Enel, aff. 6/64]. Par conséquent, une réforme constitutionnelle – peu importe qu’elle ait été votée par le Parlement ou par référendum – d’un État membre est susceptible d’être invalidée si elle contrevient à l’une des règles fixées par les traités : libre marché posé par le TFUE, droits de l’homme et démocratie institués par la charte des droits fondamentaux de l’UE, etc.
La conséquence de cette primauté est double. D’abord, cette constitutionnalisation de principes écologiques ne garantirait pas nécessairement la validité d’une loi adoptée sous sa bénédiction : notamment s’agissant de mesures contrariant le libre marché européen, la Cour de justice de l’Union européenne ferait primer les traités sur la Constitution pour juger de sa validité. Ensuite elle ne serait pas garantie par elle-même car si cette réforme constitutionnelle aboutit à introduire des dispositions contraires aux traités, elle ne serait pas acceptée par la CJUE (c’est exactement le cas de figure du bras de fer juridique existant entre Bruxelles et la Pologne).
« Créer un ISF “climat et biodiversité” ? »
EN BREF
Depuis deux cents ans, le droit français interdit de flécher des revenus spécifiques de l’État à des dépenses spécifiques : le budget doit être fixé globalement et librement affecté par le gouvernement. Ce principe de l’universalité budgétaire est aujourd’hui énoncé par la loi organique relative aux lois de finances dont la modification suppose l’accord du Conseil constitutionnel.
Faisabilité : Peu probable
« Nous créerons un impôt de solidarité sur la fortune “climat et biodiversité” afin de mettre à contribution les plus fortunés pour financer la transition énergétique. Les placements liés aux énergies fossiles seront surtaxés. Notre fiscalité environnementale sera dotée d’une règle d’or climatique pour assurer la transparence et la pertinence des usages : 50 % pour des dépenses accélérant la transition écologique et 50 % pour des mesures sociales en faveur des ménages particulièrement impactés par la transformation de nos modes de vie ou déjà en difficulté sociale. »
Concrètement
Il est proposé de réinstaurer un ISF qui isolerait des actifs « non écologiques » soumis à un taux d’imposition supérieur aux autres actifs composant le patrimoine du contribuable (immobilier, actions, etc.). Puis les recettes de cet impôt seraient directement affectées au financement de politiques écologiques et sociales.
PEU PROBABLE
À l’exception de la TVA et de quelques règles en matière d’impôt sur les sociétés, la détermination des règles fiscales relève de la compétence des États membres. Toutefois le droit européen a un impact indirect par le biais de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE, 1e ch., 17 mai 2017, aff. C-365/16, AFEP] et de la Cour européenne des droits de l’homme [CEDH, 23 octobre 1990, req. 17/1989/177/233, Darby c/ Suède]. Ces dernières, généralement suivies par les juridictions françaises : Conseil d’État [CE, contentieux, 25 avril 2001, n° 213460, Société Parfival] et Conseil constitutionnel [décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017] qui sont tenues de faire respecter les textes européens, ont progressivement fixé des limites aux législations des États membres.
Ce « contrôle de conventionnalité » correspond à une mise en balance, un test de proportionnalité entre une disposition fiscale et un principe énoncé par les traités européens. En matière fiscale, trois grands principes sont le plus fréquemment invoqués : le droit de propriété (par exemple lorsqu’un taux d’imposition est si élevé qu’il devient confiscatoire), le principe de non-discrimination (par exemple lorsque des contribuables à situations similaires sont traités différemment par la loi fiscale) et le droit à un procès équitable (lorsqu’un contrôle fiscal n’offre pas suffisamment de garanties de défense).
Ainsi, lorsqu’un contribuable contestera en justice son assujettissement à l’ISF climatique, rien ne garantit qu’une juridiction, en application de l’interprétation jurisprudentielle des principes énoncés par les textes européens, n’oblige pas l’État français à l’annuler ou à le modifier, et restituer l’impôt collecté.
Yannick Jadot
« Harmoniser l’impôt sur les sociétés en Europe à 25 % minimum ? »
EN BREF
Instaurer un impôt sur les sociétés minimum au niveau européen nécessite l’unanimité des États membres ; or l’avantage tiré par certains d’entre eux de leur fiscalité attractive rendra cette exigence sans suite.
Faisabilité : Très peu probable
« Pour mettre fin à la course au moins-disant fiscal, nous exigerons l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés en Europe, en portant à 25 % le taux minimum de taxation des multinationales. »
Concrètement
Deux degrés d’action sont envisageables : soit instaurer un taux minimum pour chaque État membre, soit édicter une directive ou un règlement européen fixant un seul impôt sur les sociétés dans l’UE.
TRÈS PEU PROBABLE
Les traités européens n’attribuent aucune compétence fiscale à l’Union européenne. Si, par exception, des directives tentent d’harmoniser les règles nationales (pour la TVA ainsi que quelques règles d’assiette spécifiques en matière d’impôt sur les sociétés), toutes les règles fiscales relèvent in fine de la compétence des États membres. Aujourd’hui, chacun d’eux fixe librement son taux d’impôt sur les sociétés, mais également ses règles d’assiette (par exemple en excluant certains revenus ou certaines charges du bénéfice imposable, ou encore en instaurant des crédits d’impôts).
Pour une harmonisation efficace, elle doit non seulement porter sur le taux d’impôt sur les sociétés mais également sur l’assiette. Instaurer un impôt sur les sociétés européen nécessite ainsi de transférer à l’UE la compétence en la matière, donc de modifier les traités, ce qui requiert l’unanimité des États membres [article 48 du TFUE]. Certains (notamment les Pays-Bas, l’Irlande, le Luxembourg) ayant une grande partie de leur économie soutenue par leurs règles avantageuses en matière d’impôt sur les sociétés, ils s’y opposeront.
« Adopter un traité environnemental européen ? »
EN BREF
L’adoption d’un tel traité semble très improbable dans la mesure où il devra être accepté par chacun des gouvernements et parlements des États membres, notamment en ce qu’il leur retirera une compétence en matière pénale.
Faisabilité : Très peu probable
« Nous ferons adopter un traité environnemental européen visant à ancrer au niveau européen le principe de précaution, la reconnaissance du crime d’écocide, le devoir de vigilance et la pénalisation des multinationales. »
Concrètement
Il est proposé la négociation, la signature puis la ratification d’un nouveau traité européen complétant les traités existants issus de Lisbonne (TUE, TFUE, Charte des droits fondamentaux).
TRÈS DIFFICILE
De manière générale, que ce soit la révision des traités actuels ou la signature d’un nouveau traité touchant des sujets prévus par ceux existants suppose l’unanimité des États membres. Cette unanimité doit s’exprimer au stade de la signature par les gouvernements, mais également au stade de la ratification par les parlements ou directement par référendum [article 48 du TFUE]. La proposition n’offre donc aucune garantie.
Plus particulièrement, il est proposé d’introduire des notions pénales dans le traité (crime d’écocide, pénalisation des multinationales). Malgré une harmonisation par la jurisprudence européenne, la matière pénale reste essentiellement la compétence des États membres. Elle obéit notamment, du moins en droit français, au principe de légalité des délits et des peines qui exige que chaque infraction doive être précisément énoncée par la loi pour justifier une condamnation [article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme].
La pénalisation de pratiques dans un traité européen supposera donc, d’une part, que chacun des États membres accepte de doter l’Union de cette compétence, et d’autre part que le traité institue les infractions avec suffisamment de précision pour qu’elles soient applicables par les juridictions nationales.
Marine Le Pen
« Baisser la TVA de 20 % à 5,5 % sur les produits énergétiques ? »
EN BREF
La France n’a qu’une marge de manœuvre limitée concernant la TVA, et elle reste sous étroite surveillance européenne. Si nous voulons décider de notre politique en matière de TVA, nous devons reprendre le contrôle en sortant de l’UE.
Faisabilité : Très peu probable
« Baisser la TVA de 20 % à 5,5 % sur les produits énergétiques (carburants, fioul, gaz et électricité) en tant que biens de première nécessité. »
TRÈS PEU PROBABLE
La TVA est régie par le droit européen. En effet elle est prévue par la directive 2006/112/CE. Les taux de TVA sont notamment prévus par catégorie de produits par ce texte. Les États disposent pour chaque catégorie d’une fourchette dans laquelle ils peuvent faire varier le taux. Par exemple, le taux normal est fixé à 20 % en France. Un gouvernement pourrait faire varier ce taux dans la limite de 15 % (aucun plafond n’étant prévu en revanche) [articles 96 et 97 de la directive TVA].
Des taux réduits sont possibles, mais ils ne peuvent être inférieurs à 5 %. En France, deux taux réduits, à 5,5 % et 10 % sont prévus. L’énergie peut-elle être concernée par ces taux réduits ? Les produits et services pouvant faire l’objet d’un taux réduits sont listés à l’annexe III de la directive TVA. Il n’est fait mention nulle part dans cette liste des produits énergétiques.
En revanche, les États membres peuvent appliquer un taux réduit aux fournitures de gaz naturel, d’électricité et de chauffage urbain, à condition qu’il n’en résulte aucun risque de distorsions de concurrence.
Ce contrôle est assuré a priori par la Commission européenne qui a trois mois pour se prononcer [article 102 de la directive TVA].
Autrement dit, le gouvernement doit d’abord obtenir l’accord de la Commission avant de prendre cette mesure, et elle est limitée : elle ne peut pas s’appliquer pas aux carburants ni au fioul.
Des taux spéciaux existent, inférieurs à 5 % (comme le taux à 2,1 % sur les médicaments ou la presse en France), mais ils ne sont tolérés que parce qu’ils préexistaient au traité de Maastricht. Cela ne peut donc concerner l’énergie.
« Sortir du marché européen de l’électricité ? »
EN BREF
Cette sortie n’est légalement pas possible et politiquement inenvisageable.
Faisabilité : Infaisable
« Sortir du marché européen de l’électricité pour retrouver des prix décents. »
Concrètement
Il s’agit de négocier l’inapplication en France des règlements et directives européennes relatifs au marché de l’énergie.
NON
Depuis le traité de Lisbonne, le TFUE encadre le marché européen de l’énergie [article 194 du TFUE]. Cette politique européenne se caractérise par l’obligation faite aux États membres de libéraliser les marchés nationaux (notamment en privatisant les entreprises et en mettant fin à des monopoles) et tend à une harmonisation des prix. Depuis la refonte de la réglementation en 2019 [notamment règlement (UE) n° 2019/943 du 05/06/19, directive (UE) 2019/944 du 05/06/19, règlement (UE) 2019/942], il est ainsi interdit aux États de réguler les prix ou encore de dresser des obstacles aux flux énergétiques entre États membres.
Particulièrement s’agissant de l’électricité, ces règles aboutissent à augmenter le coût facturé aux consommateurs français car la réglementation européenne impose que le prix de l’électricité ne peut pas être inférieur au coût de production de chaque type de centrale des différents États membres. Or le coût de production des centrales à gaz ou à charbon de nos voisins est bien supérieur à celui des centrales nucléaires françaises, de sorte que nos prix sont mécaniquement tirés vers le haut sans pour autant que notre coût d’approvisionnement national augmente.
La sortie du marché européen de l’électricité revient donc soit à refuser d’appliquer la réglementation européenne, soit à renégocier les règlements et directives. Dans la première hypothèse, la France serait condamnée par la CJUE et certainement mise au pas par la Commission. Dans la seconde, il faudra donc que la Commission européenne, qui est seule à l’initiative des règlements et directives, accepte de porter le projet. Ensuite, le Parlement devra l’adopter à la majorité et le Conseil à sa majorité qualifiée, soit 15 États représentant 65 % de la population de l’UE [article 294 et 238 du TFUE].
« Mettre fin au regroupement familial ? »
EN BREF
La France a une marge de manœuvre encadrée et limitée dans sa politique migratoire, comme le montre l’exemple du regroupement familial. Pour nous affranchir de ces règles, nous devons reprendre le contrôle en sortant de l’UE.
Faisabilité : Infaisable
« Fin du regroupement familial. »
NON
D’abord prévu par la loi française, le regroupement familial est aujourd’hui prévu par le droit européen. En application des articles 77 et 79 du TFUE, l’Union européenne a pris la directive 2003/86 (datée du 22 septembre 2003) qui consacre le « droit au regroupement familial ».
Il n’est donc pas possible juridiquement de supprimer totalement le regroupement familial en restant au sein de l’Union européenne.
La directive permet simplement certains aménagements. Par exemple, la directive pose le principe de l’application du regroupement familial au membres de la cellule nucléaire d’une famille, c’est-à-dire les enfants mineurs et le conjoint. Les États peuvent décider d’octroyer le bénéfice du regroupement familial aux ascendants (les parents, les grands-parents), aux enfants majeurs, aux enfants d’une autre épouse (dans le cas d’un mariage polygame) [article 4 de la directive].
Il n’est pas non plus possible de se soustraire du droit européen en passant par la loi. Si une loi décidant la suppression du regroupement familial est prise, son application sera écartée par le juge chargé de se prononcer sur une expulsion d’un étranger devant bénéficier normalement du regroupement familial.
Il n’y a pas de désobéissance possible, car le juge de droit commun du droit européen, c’est le juge national. Celui-ci est chargé de faire respecter le droit européen, même si cela implique de ne pas appliquer une loi française.
Enfin, sur la question d’un référendum pour forcer le juge à appliquer une loi sur l’immigration supprimant le regroupement familial, nous renvoyons le lecteur à notre article sur le sujet.
Il n’est pas non plus possible de négocier un opt out, comme par exemple celui dont bénéficie le Danemark sur la directive 2003/86. En effet, l’opt out se négocie au moment de la signature du traité, et pas avant. Il faut que tous les États signataires du traité donnent leur accord pour qu’une telle clause soit ajoutée. Autrement dit, cela reviendrait à renégocier le traité, ce qui est sans issue, eu égard aux oppositions de chaque État et à la complexité des traités européens.
Ainsi, si Marine Le Pen ou Éric Zemmour est élu président de la République, il ne pourra pas supprimer totalement le regroupement familial, mais seulement le restreindre dans la mesure que lui permet l’Union européenne.
Jean-Luc Mélenchon
« Appliquer une politique sociale au moyen de la TVA ? »
EN BREF
La France n’a qu’une marge de manœuvre limitée concernant la TVA, et elle reste sous étroite surveillance européenne. Si nous voulons décider de notre politique en matière de TVA, nous devons reprendre le contrôle en sortant de l’UE.
Faisabilité : Très peu probable
« Je réduirai la TVA sur les produits de première nécessité (énergie, fruits et légumes) et instaurerai une “TVA grand luxe” pour la financer. »
TRÈS PEU PROBABLE
La TVA est régie par le droit européen. En effet elle est prévue par la directive 2006/112/CE. Les taux de TVA sont notamment prévus par catégorie de produits par ce texte. Les États disposent pour chaque catégorie d’une fourchette dans laquelle ils peuvent faire varier le taux. Par exemple, le taux normal est fixé à 20 % en France. Un gouvernement pourrait faire varier ce taux dans la limite de 15 %, aucun plafond n’étant prévu en revanche [articles 96 et 97 de la directive TVA].
La proposition de « TVA grand luxe » de Jean-Luc Mélenchon est donc possible d’un point de vue juridique.
Des taux réduits sont possibles, mais ils ne peuvent être inférieurs à 5 %. En France, deux taux réduits, à 5,5 % et 10 % sont prévus. Les fruits et légumes sont concernés par ces taux qui sont déjà de 5,5 %, la baisse ne pourrait donc être que de 0,5 %, ce qui est limité.
L’énergie peut-elle être concernée par ces taux réduits ? Les produits et services pouvant faire l’objet d’un taux réduits sont listés à l’annexe III de la directive TVA. Il n’est fait mention nulle part dans cette liste des produits énergétiques.
En revanche, les États membres peuvent appliquer un taux réduit aux fournitures de gaz naturel, d’électricité et de chauffage urbain, à condition qu’il n’en résulte aucun risque de distorsions de concurrence.
Ce contrôle est assuré a priori par la Commission européenne qui a trois mois pour se prononcer [article 102 de la Directive TVA]. Autrement dit, le gouvernement doit d’abord obtenir l’accord de la Commission avant de prendre cette mesure, et elle est limitée : elle ne peut pas s’appliquer pas aux carburants et au fioul.
Des taux spéciaux existent, inférieurs à 5 % (comme le taux à 2,1 % sur les médicaments ou la presse en France), mais ils ne sont tolérés que parce qu’ils préexistaient au traité de Maastricht. Cela ne peut donc concerner ni l’énergie, ni les fruits et légumes.
« Racheter et faire annuler la dette par la dette publique par la BCE ? »
EN BREF
Le rachat et l’annulation de la dette publique française est techniquement possible mais cela ne relève que de la BCE, laquelle, de concert avec tous les autres États membres ayant des liens économiques avec la France, ne pourra que refuser compte tenu de l’impact considérable de l’opération sur les prix et les marchés..
Faisabilité : Très peu probable
« Exiger de l’Union européenne que la BCE transforme la part de dette des États qu’elle possède en dettes perpétuelles à taux nul. Faire racheter par la BCE la dette publique qui circule sur les marchés financiers. »
Concrètement
Il s’agit de demander à la BCE qu’elle rachète toute la dette publique française (auprès des fonds d’investissement, mais également des épargnants via les assurances-vie, etc.) puis qu’elle l’annule (une dette perpétuelle à taux nul n’est plus une dette).
TRÈS PEU PROBABLE
D’un point de vue institutionnel, la BCE est statutairement indépendante des États membres de l’Union européenne en ce qui concerne l’exercice de ses pouvoirs et la gestion de ses finances [article 282 du TFUE]. Elle n’est donc tenue par aucune exigence d’un État membre. Dans les faits, la politique de la BCE fait l’objet de négociations entre les États membres, chacun souhaitant préserver ses intérêts économiques.
Sur le fond, la mission fondamentale de la BCE est d’assurer la stabilité des prix et de l’euro [articles 127 et suivants du TFUE]. En principe, le rachat de dette publique sur les marchés (assouplissement quantitatif, ou quantitative easing) effectué pour injecter de nouvelles liquidités dans l’économie, ne lui est pas permise, mais elle s’en est elle-même attribuée la compétence depuis 2015. La mesure proposée n’est donc possible que sous deux conditions.
Il faudra d’abord que la BCE (et donc concrètement l’Allemagne) considère que le rachat de la dette française, et d’autant plus dans son intégralité, aura peu d’impact sur l’inflation et la valeur de l’euro. À titre indicatif, l’encours de dette publique française sur les marchés financiers représente plus de 2 000 milliards d’euros.
Il faudra également que la BCE (et donc concrètement l’Allemagne) considère que l’annulation de ces 2 000 milliards de dette publique française – c’est-à-dire très concrètement que tous les fonds et épargnants en détenant perdent leur investissement – n’impacte pas la stabilité des prix et la valeur de l’euro sur le marché monétaire international.
« Sortir du nucléaire ? »
EN BREF
Rien dans les traités n’est susceptible de l’empêcher.
Faisabilité : VALIDÉE PAR L’UE !
« Sortir du nucléaire : abandonner les projets d’EPR, planifier le démantèlement, la réhabilitation et la reconversion des sites nucléaires et de l’ensemble de leur bassin de vie. »
C’EST POSSIBLE
Rien dans les traités n’est susceptible de l’empêcher.
Valérie Pécresse
« Priorité aux produits “fabriqués en France” ? »
EN BREF
La préférence nationale est formellement prohibée sur le plan économique, par le droit européen.
Faisabilité : Infaisable
« Grâce à un Small business act, priorité aux produits “fabriqués en France” »
NON
Le recours à une mesure de priorité nationale vise à instaurer un traitement différencié au profit des ressortissants d’un État. Le bon fonctionnement du marché intérieur, libéré de toute entrave, est le leitmotiv de la construction de l’Union européenne. La Commission veille qu’aucune entrave ne vienne perturber cette intégration économique à marche forcée.
En effet, l’UE s’est construite sur le triptyque suivant : libre circulation, non-discrimination et libre concurrence.
La liberté de circulation (articles 28 à 66 du TFUE) est une liberté fondamentale selon la CJUE, qui pénalise toute entrave déguisée au commerce entre les États (art. 36 TFUE). La libre circulation des capitaux empêche de combattre les délocalisations (art. 63 TFUE). Voir Keck et Mithouard (CJCE, 24 nov. 1993, aff. C-267/91) : art. 30 TFUE, les restrictions quantitatives à l’importation, ainsi que toute mesure d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres.
La notion de mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation est définie très largement : toute mesure susceptible d’entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire.
La concurrence pure et parfaite (art. 101 à 118 TFUE) : les aides d’État sont en principe incompatibles avec le marché intérieur « dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, et faussent ou menacent de fausser la concurrence, en favorisant certaines entreprises ou productions » (art. 107 TFUE). La Commission contrôle la compatibilité des aides avec le marché intérieur : aucune préférence nationale générale ne pourra être appliquée.
Ainsi, si le small business act visant à donner la priorité aux fabrications françaises n’est pas développé par Valérie Pécresse, c’est parce que la candidate sait que rien ne pourra être entrepris dans le cadre du droit européen, qu’elle n’entend pas combattre. Cette mesure, ambitieuse dans sa lettre, se limitera à une injonction faite aux entreprises de nouer des relations commerciales avec des partenaires nationaux. Cette injonction ne sera accompagnée d’aucune incitation financière ni fiscale, d’aucun texte de loi, car ceci entrerait directement en contradiction avec l’objectif absolu du « bon fonctionnement du marché intérieur », au sens où l’entend la Commission.
« Faire des champions industriels nationaux et européens ? »
EN BREF
Sans analyser la pertinence de créer de tels champions, une conclusion s’impose : la Commission européenne les interdira dès lors que la concurrence ne sera plus assurée. Or la création d’un champion a précisément pour objet de dominer le marché.
Faisabilité : Très peu probable
« Faire des champions nationaux et européens dans les industries du futur. »
TRÈS DIFFICILE
Rappelons que l’article 107 du TFUE prohibe les aides d’État (entendues au sens le plus large) qui favorisent certaines entreprises.
Valérie Pécresse propose de créer de grands « champions » européens. Enthousiasmé par ce récit d’un futur économique prospère, la fusion entre Alstom et Siemens a été refusée par la Commission européenne. La commissaire à la Concurrence a justifié ce refus qui « aurait étouffé toute compétition sur le marché intérieur dans le domaine de la signalisation ferroviaire ».
Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire regrette une « erreur économique qui servira les intérêts de la Chine », et « une faute politique ».
La politique concurrentielle, déléguée à la Commission européenne, n’est plus du ressort des États. Valérie Pécresse, en refusant de reprendre le contrôle sur ce domaine, ne formule qu’un vœu pieux lorsqu’elle souhaite voir émerger lesdits champions.
La Commission considère qu’un tel champion aurait porté atteinte à l’intérêt du « consommateur ». Fidèle au dogme de la main invisible qui promet que le marché se régule de lui-même, la Commission se refusera de s’immiscer dans la fixation du prix, qui pourrait pourtant concilier la création d’un tel champion avec les intérêts des consommateurs. Pourquoi la Commission refusera de fixer un prix pour protéger le consommateur ? Parce que ladite fixation empêchera que de nouveaux entrants accèdent au marché.
« Réduire, voire supprimer les impôts de production ? »
EN BREF
Rien ne s’y oppose.
Faisabilité : Validé par l’UE !
« Baisser les impôts de production de 10 milliards d’euros en supprimant la C3S. »
Concrètement
Pas d’ambitions folles.
OUI
Rien ne s’y oppose.
« Instaurer une taxe carbone européenne ? »
EN BREF
L’instauration d’une taxe carbone européenne est possible sous deux conditions : l’obtention de la majorité qualifiée des États membres et le respect des principes généraux de la politique douanière européenne fondés sur le développement d’un libre marché de consommateurs.
Faisabilité : Très peu probable
« Une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne et refus d’importer les produits alimentaires qui ne respectent pas nos normes environnementales. »
Concrètement
Il s’agit de modifier la réglementation douanière européenne.
TRÈS DIFFICILE
Tant pour la taxe carbone que pour les normes environnementales, la politique douanière est exclusivement du ressort de l’Union européenne [articles 30 et suivants du TFUE]. Les règles en sont actuellement fixées par le Code des douanes de l’Union [règlement (UE) no 952/2013] et elle doit en tout état de cause respecter les principes directeurs fixés par le TFUE, à savoir notamment la promotion des échanges commerciaux entre les États membres et les pays tiers, éviter des troubles sérieux dans la vie économique des États membres et assurer un développement rationnel de la production et une expansion de la consommation dans l’Union [article 32 du TFUE].
La mise en place de ces deux mesures nécessitera donc de modifier le Code des douanes de l’Union. Il faudra donc que la Commission européenne, qui est seule à l’initiative des règlements, accepte de porter le projet. Ensuite, le Parlement devra l’adopter à la majorité et le Conseil à sa majorité qualifiée, soit 15 États représentant 65 % de la population de l’UE [article 294 et 238 du TFUE].
Fabien Roussel
« Nationaliser les grandes banques et compagnies d’assurance ? »
EN BREF
La nationalisation des grandes banques et assurances est juridiquement possible mais elle nous endettera encre plus et ne permettra pas de changer la politique monétaire et financière actuelle. Pour cela, il faut revoir les traités, donc l’unanimité des États membres.
Faisabilité : Très peu probable
« Un pôle financier public sera constitué, grâce à la nationalisation des grandes banques et compagnies d’assurances privées (BNP-Paribas, Société générale, Axa)
Ce grand pôle sera mis en réseau avec le groupe Caisse des dépôts-Banque Postale-BPI France-Caisse nationale de prévoyance. Il agira pour imprimer au crédit bancaire une orientation radicalement nouvelle, libérée de la dictature des actionnaires et de la rentabilité du capital. Il favorisera le financement des projets les plus efficaces en matière d’emploi, de formation, de transition écologique. »
Concrètement
Il s’agit de racheter aux fonds d’investissement leurs actions dans les banques et assurances françaises pour que leurs pratiques commerciales et financières soient affranchies du paradigme capitaliste libéral.
TRÈS DIFFICILE
De manière générale, les nationalisations ne sont pas en tant que telles interdites par le droit européen [article 345 du TFUE]. Toutefois elles ne pourront s’effectuer qu’en respectant plusieurs conditions.
D’abord, lors de la nationalisation en tant que telle, l’État devra indemniser les actionnaires expropriés. Cette indemnisation reviendra à leur verser le prix de marché desdites banques et assurances. À titre indicatif, ne serait-ce que pour la BNP, la Société générale et AXA, on parle de plus de 150 milliards d’euros. Ces sommes seront donc à financer soit par l’impôt, soit par de la nouvelle dette publique. Or celle-ci est toujours censée rester dans les clous fixés par le TSCG (60 % du PIB).
Ensuite, une fois les banques et assurances nationalisées, elles devront toujours respecter les règles du marché européen. En effet, ces règles sont applicables sans distinction entre les entreprises privées ou publiques : pour le droit européen, il n’y a que des entreprises soumises au libre marché. S’agissant des banques et assurances, ces règles sont de deux ordres.
D’une part devront être respectées les règles générales du droit de la concurrence [articles 101 et suivants du TFUE] que l’on peut résumer en trois grandes interdictions :
— ententes entre grands acteurs d’un marché ;
— fusions permettant à un acteur d’avoir une trop grande part de marché ;
— aides d’État et subventions publiques.
D’autre part, les règles particulières au système financier européen s’imposeront toujours aux banques et assurances nationalisés [articles 127 et suivants du TFUE]. Ce sera donc toujours la BCE, et non l’État français, qui sera compétente pour superviser et contrôler les banques, pour fixer leurs règles d’organisation financière, les systèmes de paiement, les résolutions de crises, etc., mais également pour mener la politique monétaire, centrée autour de la stabilité des prix et de l’euro, ainsi que la fixation des taux directeurs (donc des tarifs proposés par les banques), etc.
« Constitution d’un mix énergétique 100 % public et 100 % décarboné ? »
EN BREF
La nationalisation du secteur énergétique pour déterminer la politique stratégique et commerciale en France est impossible en l’état.
Faisabilité : Infaisable
« Un projet d’investissement sera élaboré, afin de décarboner massivement la production d’énergie et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2040-2050. Ce projet visera à une forte croissance de la production électrique, en investissant dans les énergies renouvelables (solaire, éolien et surtout dans l’hydraulique, énergie renouvelable pilotable) et dans l’électricité nucléaire avec la construction de six EPR supplémentaires au minimum. »
NON
Depuis le traité de Lisbonne, le TFUE encadre le marché européen de l’énergie [article 194 du TFUE]. Cette politique européenne se caractérise par l’obligation faite aux États membres de libéraliser les marchés nationaux (notamment en privatisant les entreprises et en mettant fin à des monopoles) et tend à une harmonisation des prix. Depuis la refonte de la réglementation en 2019 [notamment règlement (UE) n° 2019/943 du 05/06/19, directive (UE) 2019/944 du 05/06/19, règlement (UE) 2019/942], il est ainsi interdit aux États de réguler les prix ou encore de dresser des obstacles aux flux énergétiques entre États membres.
Si elle n’est pas interdite en soi [article 345 du TFUE], la nationalisation des entreprises du secteur énergétique ne pourra pas avoir pour effet de les soustraire aux règles du marché européen. La reprise en main par l’État de la politique énergétique, notamment dans son versant tarifaire, revient donc soit à refuser d’appliquer la réglementation européenne, soit à renégocier les règlements et directives.
Dans la première hypothèse, la France serait condamnée par la CJUE et certainement mise au pas par la Commission. Dans la seconde, il faudra donc que la Commission européenne, qui est seule à l’initiative des règlements et directives, accepte de porter le projet. Ensuite, le Parlement devra l’adopter à la majorité et le Conseil à sa majorité qualifiée, soit 15 États représentant 65 % de la population de l’UE [article 294 et 238 du TFUE].
Éric Zemmour
« Limiter l’asile à une centaine d’individus chaque année ? »
EN BREF
Les marges de manœuvre de la France en tant que membre de l’UE sont faibles et ne couvrent que des mesures de détail, même par l’intervention du parlement. Le régime de l’asile, la demande, l’instruction, la procédure, de même que l’octroi ou le retrait du statut de réfugié, tout est fixé au niveau européen et international.
Reprendre le contrôle de notre politique d’asile demande de soumettre notre appartenance à l’UE à la délibération du peuple français.
Faisabilité : Infaisable
« Limiter l’asile à une centaine d’individus chaque année et exiger que les demandes d’asile soient déposées en dehors du territoire national pour éviter l’installation des déboutés qui ne repartent jamais. »
NON
Le droit d’asile est une matière très réglementée par le droit international, repris et étendu au niveau du droit de l’Union européenne (DUE). La loi française a peu de prise sur lui.
Sa réglementation en France tient essentiellement de l’application de la convention de Genève du 18 juillet 1951, ratifiée par la France, comme par tous les membres de l’Union européenne (UE). La compétence de l’UE est limpide, prévue par l’article 78 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), repris par l’article 18 de la charte européenne des droits fondamentaux.
Le droit d’asile est régit par une politique commune des États membres, que ce soit pour la définition du statut de réfugié que pour assurer le respect de la convention de Genève. Les États ne disposent pas d’un droit de veto puisque la procédure législative ordinaire prévaut : le Conseil de l’UE, et donc l’UE elle même, décide à la majorité.
L’UE a ainsi défini un statut unique des réfugiés issus des pays tiers à l’UE, une procédure unique pour instruire les demandes, un corpus commun de règles en matière d’accueil des réfugiés ainsi qu’un système unique de collecte des empreintes digitales nommé EURODAC.
Ce fichier unique des empreintes est destiné à permettre l’application du régime dit « de Dublin », qui repose sur un principe simple : le premier État qui accueille sur son sol le demandeur d’asile a l’obligation d’instruire sa demande sans l’envoyer sur le territoire d’un autre État membre. Ce principe s’applique même si le demandeur d’asile n’a pas l’intention de s’installer dans l’État qui l’accueille le premier.
De surcroît, la convention de Genève du 18 juillet 1951 précitée limite elle-même les marges de manœuvre des États contractants puisqu’elle prévoit, entre autre choses, le principe de l’unité familiale du réfugié et du demandeur d’asile, interdit toutes procédures pénales liées à la situation irrégulière dudit réfugié.
De plus, l’expulsion de la personne qui a obtenu le statut de réfugié n’est permise que si et seulement si elle fait peser des risques sur la sécurité nationale ou l’ordre public du pays d’accueil.
« Supprimer les droits de donation et de succession pour les transmissions d’entreprise ? »
EN BREF
Les traités européens n’attribuent aucune compétence fiscale à l’Union européenne.
Faisabilité : Validé par l’UE !
« Protéger et maintenir un véritable tissu d’entreprises exportatrices en supprimant les droits de donation et de succession pour la transmission des entreprises familiales. »
Concrètement
Il s’agit d’exonérer totalement de droits de donation et succession les fonds de commerce ou les sociétés lorsque l’entreprise est poursuivie dans le cadre familial. Ce mécanisme d’exonération existe déjà, mais est partiel puisqu’il ne porte que sur 75 % de la valeur de l’entreprise donnée ou héritée ; il est donc proposé de monter ce taux à 100 %.
OUI
Les traités européens n’attribuent aucune compétence fiscale à l’Union européenne. Si, par exception, des directives tentent d’harmoniser les règles nationales (pour la TVA ainsi que quelques règles d’assiette spécifiques en matière d’impôt sur les sociétés), toutes les règles fiscales, et particulièrement celles s’agissant des droits de donation et de succession, relèvent au bout du compte de la compétence des États membres.
« Interdire de nouvelles grandes surfaces en périphérie d’agglomération ? »
EN BREF
Le droit d’urbanisme n’est pas une des compétences attribuées à l’Union européenne.
Faisabilité : Possible
« Interdire la construction de nouvelles grandes surfaces et zones commerciales à l’entrée des villes et villages. »
Concrètement
Cela passe par une programmation encadrant les politiques d’aménagement.
OUI
Le droit d’urbanisme n’est pas une des compétences attribuées à l’Union européenne.
« Mettre fin au regroupement familial »
EN BREF
La France a une marge de manœuvre encadrée et limitée dans sa politique migratoire, comme le montre l’exemple du regroupement familial. Pour nous affranchir de ces règles, nous devons reprendre le contrôle en sortant de l’UE.
Faisabilité : Infaisable
« Fin du regroupement familial. »
NON
D’abord prévu par la loi française, le regroupement familial est aujourd’hui prévu par le droit européen. En application des articles 77 et 79 du TFUE, l’Union européenne a pris la directive 2003/86 (datée du 22 septembre 2003) qui consacre le « droit au regroupement familial ».
Il n’est donc pas possible juridiquement de supprimer totalement le regroupement familial en restant au sein de l’Union européenne.
La directive permet simplement certains aménagements. Par exemple, la directive pose le principe de l’application du regroupement familial au membres de la cellule nucléaire d’une famille, c’est-à-dire les enfants mineurs et le conjoint. Les États peuvent décider d’octroyer le bénéfice du regroupement familial aux ascendants (les parents, les grands-parents), aux enfants majeurs, aux enfants d’une autre épouse (dans le cas d’un mariage polygame) [article 4 de la directive].
Il n’est pas non plus possible de se soustraire du droit européen en passant par la loi. Si une loi décidant la suppression du regroupement familial est prise, son application sera écartée par le juge chargé de se prononcer sur une expulsion d’un étranger devant bénéficier normalement du regroupement familial.
Il n’y a pas de désobéissance possible, car le juge de droit commun du droit européen, c’est le juge national. Celui-ci est chargé de faire respecter le droit européen, même si cela implique de ne pas appliquer une loi française.
Enfin, sur la question d’un référendum pour forcer le juge à appliquer une loi sur l’immigration supprimant le regroupement familial, nous renvoyons le lecteur à notre article sur le sujet.
Il n’est pas non plus possible de négocier un opt out, comme par exemple celui dont bénéficie le Danemark sur la directive 2003/86. En effet, l’opt out se négocie au moment de la signature du traité, et pas avant. Il faut que tous les États signataires du traité donnent leur accord pour qu’une telle clause soit ajoutée. Autrement dit, cela reviendrait à renégocier le traité, ce qui est sans issue, eu égard aux oppositions de chaque État et à la complexité des traités européens.
Ainsi, si Marine Le Pen ou Éric Zemmour est élu président de la République, il ne pourra pas supprimer totalement le regroupement familial, mais seulement le restreindre dans la mesure que lui permet l’Union européenne.