Nouvelle-Calédonie : à la veille de la seconde consultation d’auto-détermination, où en sommes-nous ?

Alors que le second référendum se profile sur l’île, les deux camps « indépendantistes » et « loyalistes » fourbissent leurs armes, leurs arguments et leur stratégie. Le point sur la situation avec Michel Hanocque, résident en Nouvelle-Calédonie depuis plus de vingt ans.
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Le drapeau français et le drapeau du FLNKS, hissés côte à côte en Nouvelle-Calédonie.

Du côté indépendantiste

Le FLNKS (Front de libération kanak socialiste) a présenté les grandes lignes de son projet de société et les fondements du nouvel État (système institutionnel, affirmation des valeurs socialistes, gestion des compétences régaliennes et des éventuels partenaires). Il prône le patriotisme économique et la suppression des niches fiscales. L’anglais deviendrait la première langue obligatoire et les langues kanake et océaniennes seraient confortées. La solidarité et la vie en communauté seraient primordiales. Dans un document interne, il précise les véritables revendications du camp indépendantiste en vue des rencontres bilatérales avec l’État :

— fin du système institutionnel actuel,
— fin de tous les mandats politiques en cours,
— rapatriement des prisonniers incarcérés en métropole, et « amnistie » de tous les prisonniers de droit commun,
— règlement des dettes « coloniale », « écologique » et « nickel » par la France afin de financer l’indépendance,
— gestion des « citoyens français sur le sol calédonien »,
— « pouvoirs renforcés » du président du gouvernement.

Affirmons-le : il s’agit là d’une bombe politique.

Du côté loyaliste

Un groupement de six partis milite pour une Nouvelle-Calédonie autonome, comme elle l’est aujourd’hui, au sein de la République française. Ils défendent l’idée que la Nouvelle-Calédonie est française et qu’elle ne peut se passer de la France pour assumer les compétences régaliennes et assurer son équilibre budgétaire. Dans leur programme, on note :

— la reconnaissance de la propriété quelle que soit l’ethnie,
— la promotion d’une société qui permet de s’ouvrir sur le monde et qui n’exclut personne,
— l’adoption d’un cadre juridique sur l’après-accord de Nouméa.

Ce cadre juridique permettra de respecter ce que veut la majorité des Calédoniens, c’est-à-dire rester au sein de la République française, mais il permettra aussi aux indépendantistes de continuer à gérer des collectivités pour mettre en place des politiques qui correspondent à leur identité.

En cas de « non », un troisième référendum n’aura pas de sens.

Plusieurs changements sont prévus en ce qui concerne les institutions calédoniennes : revoir la clé de répartition, préciser la place de la coutume, développer aussi une démocratie participative, par exemple. Si le 4 octobre les Calédoniens réaffirment massivement leur volonté de maintenir la Nouvelle-Calédonie dans la France, l’organisation du troisième référendum « pour » ou « contre » l’indépendance n’a pas de sens. Une négociation avec les indépendantistes et l’État pour une sortie de l’accord de Nouméa basée sur le projet de société et la solution institutionnelle que les Calédoniens auront validés par leur NON.

Ce nouveau cadre juridique devrait être validé par référendum, comme ce fut le cas en 1998 pour l’accord de Nouméa. L’objectif est que la Nouvelle-Calédonie soit reconnue comme un territoire de la République à statut particulier, un statut qui devra être constitutionnalisé de manière pérenne et non plus dans des dispositions transitoires.

Du côté de la métropole

L’État a publié une note sur les conséquences du OUI et du NON à la consultation du 4 octobre.

a) En cas de victoire du OUI, il n’y aura pas de troisième consultation. Après une période de transition, la Nouvelle-Calédonie deviendra indépendante, c’est-à-dire un État pleinement souverain reconnu en tant que tel à l’international. Les transferts financiers actuels deviendront caducs et les nouvelles relations financières seront établies dans le cadre d’une aide au développement. Les populations auront la nationalité du nouvel État qui devra assurer leur protection à l’étranger. L’Assemblée nationale et le Sénat devront débattre pour déterminer les conditions dans lesquelles un maintien dans la nationalité française serait possible pour certains ressortissants du nouvel État.

b) En cas de victoire du NON, la Nouvelle-Calédonie restera une collectivité française. La France continuera à l’accompagner dans ses relations dans la zone, à exercer les compétences régaliennes et celles qui n’ont pas encore été transférées. Les droits de vote spécifiques seront maintenus tant que l’accord de Nouméa sera en vigueur. Une troisième consultation pourra être organisée à la demande d’un tiers des membres du congrès.

Des observateurs de l’ONU seront présents lors du scrutin.

Les services de l’État sous la responsabilité et l’autorité du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie font en sorte que les résultats soient indiscutables. Près de 1 200 policiers et gendarmes vont être déployés afin de garantir la sérénité du scrutin. Des magistrats vont être déplacés pour assurer la régularité du scrutin. Des observateurs de l’ONU seront également présents. Des restrictions concernant la vente et la consommation d’alcool ainsi que le transport des armes à feu seront également décidées.

Ce sont 180 640 électeurs qui seront appelés à voter dimanche 4 octobre dans les 294 bureaux de vote. En 2018, ils avaient été 174 154. Un nombre en évolution du fait de l’accroissement naturel de la population et du travail réalisé par le haussariat pour assurer l’inscription automatique des natifs admis sur la liste électorale spéciale dont 41 394 électeurs inscrits sur la liste générale sont exclus.

Du côté de l’économie

Il existe un bras de fer autour d’un préalable minier entre les autorités coutumières, le sénat coutumier, les composantes du FLNKS, la majorité des élus du congrès ainsi que certaines associations environnementales d’un côté, et les industriels métallurgistes et le gouvernement de l’autre. L’objectif du mouvement est de s’opposer au projet de cession de l’usine du Sud (propriété de l’industriel brésilien Vale) au son du slogan « usine du Sud = usine Pays ».

Ce bras de fer glisse du plan économique au plan politique. Les visions sont clairement opposées en matière d’exploitation minière entre les indépendantistes et les loyalistes. Le blocage des projets de loi visant à modifier le Code minier pour permettre l’exportation de minerais en est la parfaite illustration, laissant présager d’importants remous dans la société calédonienne. Cette situation tendue se déroule à un moment incertain pour le marché du nickel. La Nouvelle-Calédonie ne peut faire l’économie d’une réflexion sur l’avenir du nickel.

La Nouvelle-Calédonie n’est plus l’eldorado que l’on a connu.

La stagnation économique domine, en fait. Les investisseurs qu’ils soient Calédoniens, métropolitains ou étrangers sont absents, et de ce fait les investissements sont inexistants. Cette période d’incertitude institutionnelle commencée avant la première consultation se prolonge avec la seconde et se poursuivra jusqu’à la troisième et même après, tant qu’un nouvel accord ne sera pas conclu. Elle est néfaste et catastrophique pour l’économie locale et l’emploi. De nombreux commerces mettent la clé sous la porte, des entreprises sont en redressement judiciaire, d’autres font faillite. La Nouvelle-Calédonie n’est plus l’eldorado que l’on a connu. D’où l’action des loyalistes au congrès de la Nouvelle-Calédonie pour accélérer le processus des consultations d’accession à la pleine souveraineté et de sortie de l’accord de Nouméa afin de redonner au plus vite des perspectives d’avenir florissant à la Nouvelle-Calédonie.

Tension et sérénité

Tension et sérénité sont les deux termes qui cohabitent dans le climat actuel de la Nouvelle-Calédonie. Tension et surenchère entre les leaders des deux camps en présence, allant jusqu’au blocage au sein du congrès lors du débat sur le budget complémentaire de la Nouvelle-Calédonie.

La Calédonie est au bord d’une déstabilisation politique, économique et sociale, avec des courants contraires qui s’affrontent sur un océan de difficultés. Le régime de protection sociale est toujours en quasi-faillite. Le gouvernement local, unanime pour adopter une décision, remis en cause par une majorité de « parlementaires », est virtuellement censuré. L’économie locale tient par l’activité de trois usines de traitement de nickel. Or la SLN a déclenché une procédure qui s’apparente à une sauvegarde, Vale NC négocie avec un repreneur, mais il est localement contesté par quelques-uns au profit d’une société locale surendettée.

La population, elle, est plutôt sereine. Elle vaque à ses occupations et à ses loisirs, confinée sur l’île à l’abri du coronavirus du fait de l’arrêt des liaisons aériennes et du confinement strict en hôtel réquisitionné pour les arrivants sur le territoire. On dirait le calme avant la tempête pour les perdants de la consultation, et peut-être même pour les vainqueurs, si le résultat de celle-ci n’était pas respecté !

Une perspective d’avenir : le double fédéralisme

Certains envisagent une partition entre la Kanaky (province Nord et province des Îles) et la Calédonie (province Sud) ou un fédéralisme (entre la Nouvelle-Calédonie et la métropole, entre les provinces). D’autres parlent d’un État associé (un petit État dans une grande Nation) : la Nouvelle-Calédonie deviendrait un État associé de la République française et continuerait d’être protégée et soutenue par elle.

Le fédéralisme semble être la solution de conciliation entre les indépendantistes et les loyalistes par l’organisation d’un double fédéralisme. Un fédéralisme externe, la Nouvelle-Calédonie devenant un État, à la satisfaction des indépendantistes, mais non pleinement souverain car fédéré constitutionnellement à la France, à la satisfaction des partisans de la Calédonie française ; et un fédéralisme interne, entre les trois provinces calédoniennes qui auraient chacune plus de pouvoirs qu’aujourd’hui.

Cela apparaît comme une solution médiane et novatrice qui nécessiterait d’être approuvée par un référendum de confirmation, comme ce fut le cas en 1998. La Constitution française devra alors être révisée puisque son titre relatif à la Nouvelle-Calédonie est actuellement qualifié de transitoire (consulter à ce sujet les Fédéralismes, sous la direction de Jean-Yves et Florence Faberon, éditions Recherche en cohésion sociales, 2020.)

Michel HANOCQUE

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