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Réforme des retraites : démacronisons la République !
EMMANUEL MACRON vient de s’exprimer au journal de 13 heures. Il nous a gratifiés d’un long étalage de phrases convenues, de propos sentencieux et de promesses invraisemblables, évitant soigneusement de revenir sur le sujet des retraites et refusant de reconnaître ses multiples erreurs.
On n’attendait aucun sursaut de lucidité ni d’humilité de sa part. Nous ne fûmes pas pris en défaut : moins concerné que jamais par la vie et les aspirations réelles de la nation, aveugle et sourd à la colère que le peuple exprime dans les rues chaque soir désormais, il a paru décidé à conserver un « cap » en l’existence duquel il est le seul à croire.
Sans dissolution ni remaniement ministériel, il espère trouver une majorité au coup par coup pour le suivre dans son entreprise funeste de destruction sociale, et prétend contourner, s’il le faut, la voie parlementaire en s’appuyant sur tout ce que les institutions comptent d’instruments légaux.
La subversion de notre République est donc en marche. Moins d’un an après avoir été réélu, Macron entend persévérer dans son gouvernement sans majorité et dans sa démocratie sans peuple, en convoquant l’État de droit contre « l’émeute et la foule ».
Le recours à l’alinéa 3 de l’article 49 de notre Constitution est ainsi vraisemblablement appelé à se répéter. Mais gouverner par le chantage, lâchement retranché derrière les dispositions légales de la Constitution, n’est certainement pas un usage raisonné ni raisonnable de nos institutions. La crise qui s’annonce et que le passage en force de Mme Borne a délibérément amorcé jeudi dernier n’est pas une crise sociale, ou plus seulement. Elle est devenue une crise politique, et peut-être, une crise institutionnelle majeure. La légitimité du pouvoir ne peut pas être suspendue longtemps au sort d’un vote couperet, surtout lorsque celui-ci échoue à seulement neuf voix près.
Cette réforme des retraites a conduit président et Premier ministre à flirter de très près avec le détournement pur et simple de procédure.
Pour sa centième utilisation, le tristement célèbre 49.3 a exposé ses limites. Jamais il n’avait été utilisé dans des conditions si défavorables. C’est en effet un texte mal ficelé, véhiculé par une loi rectificative de financement de la Sécurité sociale, déposé moins d’un mois après le vote de la loi initiale, qui est ainsi passé au forceps.
Rappelons que le 49.3 est à l’origine un dispositif destiné à discipliner une majorité composite, peu disposée à voter une loi sans arracher des concessions à l’exécutif. Or il a été, en ce mois de mars, et contre toute tradition républicaine, utilisé comme arme de destruction massive de l’opposition parlementaire, au sein d’un hémicycle divisé, certes, mais majoritairement hostile.
La réforme des retraites de Macron-Borne fait de ce coup de force un coup historique : celui de la loi la plus mal entrée en vigueur de toute l’histoire de la Ve République. Ni approuvée par l’Assemblée, ni votée régulièrement par le Sénat, ni entérinée par un référendum populaire, cette réforme des retraites a conduit président et Premier ministre à flirter de très près avec le détournement pur et simple de procédure.
Encore lui reste-t-il à passer désormais les fourches caudines du Conseil constitutionnel, lequel a pourtant déjà prévenu l’exécutif de l’irrégularité probable de la procédure. Il faut prendre la mesure du risque pris par une Macronie déjà aux abois. Si la loi était retoquée, tout cette démonstration de césarisme, ouvert et assumé, n’aura servi à rien : Macron, pour prix de cet échec, aura abîmé sans retour la confiance des Français dans leurs institutions et ruiné définitivement toute possibilité de consensus parlementaire autour de sa personne !
Il aura surtout conduit le pays au bord du chaos, encore plus rapidement que lors de son premier mandat, et mobilisant encore plus de monde contre lui dans la rue. Au risque élevé d’un embrasement social de longue durée, similaire à celui des Gilets jaunes, s’ajoute le risque politique d’un dépôt d’une proposition de loi référendaire visant à annuler la réforme. Le référendum d’initiative parlementaire avait été conçu par Nicolas Sarkozy pour ne jamais être activé (tant les conditions à réunir pour ce faire sont difficiles : un dixième des parlementaires, puis la réunion de près de cinq millions de signatures en seulement neuf mois) ; Macron va peut-être pourtant, ici encore, inaugurer une procédure qui contribuera, si elle aboutit, à l’isoler encore plus et le contraindre, il faut l’espérer, à la démission.
Ce que les Français attendent est finalement simple : démacroniser la République et reprendre le contrôle de leur démocratie.
Pour l’heure, le gouvernement et le président sortent certes victorieux de cette confrontation avec l’Assemblée mais si fragilisés que plus aucun projet de l’exécutif n’a désormais de garantie de voir le jour. Désormais en position de faiblesse stratégique, celui-ci devra naviguer de coup tactique en coup tactique pour espérer continuer de dominer une Assemblée nationale que ce passage en force aura subitement fait sortir du rôle de chambre d’enregistrement qui lui était dévolu depuis vingt ans.
L’exécutif l’emporte, mais ses pertes sont lourdes. L’allié d’appoint que furent Les Républicains n’est plus : le parti est en lambeaux. Fini les prétentions au dialogue permanent conduisant à un consensus feutré à la mode européenne : le gouvernement a choisi de montrer qu’il n’était enclin à discuter que les éléments secondaires de ses projets et en aucun cas le cœur ou les fondations de ceux-ci.
Un exécutif seulement ouvert aux compromis marginaux ou de façade, qui refuse d’accepter la moindre défaite et qui est prêt à court-circuiter autant que de besoin le processus législatif normal est clairement un danger pour notre pacte démocratique. Et ce ne sont pas quelques allocutions télévisuelles données auprès de médias complaisants qui assourdiront la colère de ses opposants, bien au contraire. Ce que les Français attendent est moins de Macron, certainement pas plus. Ce que les Français attendent est finalement simple : démacroniser la République et reprendre le contrôle de leur démocratie. C’est ce désir-là qu’ils expriment en descendant dans la rue, comme il font chaque soir depuis jeudi dernier.
L’opposition frontale sur les retraites passera peut-être, mais les Français n’oublieront ni ne pardonneront. Et à quand le prochain assaut ? Combien de temps tiendront les murailles lézardées de l’enceinte unissant les deux palais, l’Élysée et Matignon ? Même en cas de dissolution et d’une Assemblée recomposée autour d’une improbable majorité présidentielle stable, qui acceptera de jouer le rôle ingrat de passe-plat servile du césarisme macronien auquel le poste de Premier ministre est réduit ?
Dix mois seulement après le début de son second mandat, dépourvu de tout soutien populaire profond, en guerre ouverte avec la représentation nationale, Macron apparaît déjà comme le roitelet en perdition d’un régime au crépuscule. Il se pourrait, chose jamais vue, que le président de la République achève ses dernières années — s’il en vient à bout — dans l’abandon le plus parfait et la détestation tous azimuts.
Génération Frexit