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Transition écologique : Berlin profite de l’UE pour avancer ses pions… au détriment du climat
L’OBJET de la discorde actuelle est la création d’une classification des activités économiques distinguant celles qui seraient respectueuses de l’environnement de celles qui ne le seraient pas. L’objectif de cette taxonomie dite « verte » est d’orienter les choix des investisseurs afin de flécher les capitaux publics et privés vers les secteurs les plus durables. Ainsi, les enjeux derrière sont conséquents puisque cela conditionnera notamment l’octroi de certaines aides européennes [1]. Toute la question est de savoir quelles activités peuvent être considérées comme soutenables. En façade, on laisse à des experts la responsabilité de déterminer des critères et d’estimer sur la base de données scientifiques quelles sont celles qui les respectent, en particulier dans le domaine de l’énergie. En coulisse, c’est la foire d’empoigne habituelle de 27 chefs d’États jouant chacun des coudes pour essayer d’imposer aux autres leur conception de l’écologie, et par là même leurs intérêts nationaux. Le rapport de force tendant aujourd’hui largement du côté des pays germaniques, il n’est pas bien compliqué de pressentir l’issue des négociations : il suffit de se demander quel mix énergétique concorde le mieux avec les intérêts de l’industrie allemande.
Trois des plus grands producteurs mondiaux d’éoliennes sont allemands.
Ainsi pour l’UE, ce sont avant tout le soleil et le vent qui devraient fournir à terme le gros de l’électricité du continent. À ce titre, n’oublions pas que trois des plus grands producteurs mondiaux d’éoliennes sont allemands (en 2019, Siemens était le numéro un du secteur, Enercon le quatrième, et Nordex le cinquième). Mais un système énergétique germano-compatible doit également beaucoup faire appel au gaz, étant entendu que le pays restera même à long terme très dépendant de cette énergie pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables. Sachant qu’il s’apprête de plus à devenir la plaque tournante de la distribution de gaz russe en Europe grâce au projet Nord-Stream II, s’assurer que ce secteur pourra bénéficier de capitaux bon marché est vital. Alors certes, il ne s’agit pas d’une énergie particulièrement propre. Ses émissions de gaz à effet de serre dépassent d’ailleurs largement le seuil des 100 g de CO2 par kWh — niveau qui a été fixé pour déterminer quelles sources d’électricité pouvaient entrer dans le cadre de cette taxonomie. Mais ceci n’est qu’un détail. Arguant que dans certains cas elles pourraient permettre de diminuer les émissions de CO2 si elles remplacent des centrales à charbon, Berlin fait partie de ceux qui poussent pour faire entrer le gaz dans cette classification, en lui donnant le statut « d’énergie de transition ».
Une énergie nucléaire bon marché de l’autre côté de la frontière constitue à terme une menace pour la compétitivité de leur industrie.
Mais ce n’est pas le tout de s’assurer que l’on sera en première ligne pour siphonner les subventions européennes. Afin de se garder la plus belle part, il faut également s’assurer que les autres ne le pourront pas. Ainsi, le nucléaire pourrait être exclu de cette taxonomie, bien que ses émissions de CO2 soient très inférieures à ce seuil. Là encore, nos voisins outre-Rhin font partie de ceux qui plaident, contre l’avis des différents comités d’experts, qu’il ne respecte pas pleinement tous les critères. Ainsi, les Français — et du même coup le climat — risquent une nouvelle fois de faire les frais du rapport névrotique de la population allemande à l’atome, traumatisée notamment de s’être retrouvée à l’épicentre de la guerre froide. N’ayant jamais eu l’opportunité de s’imposer comme une grande puissance nucléaire dans le contexte géopolitique de l’après-guerre, c’est aujourd’hui avec une posture moralisatrice que l’Allemagne cherche à préserver ses intérêts. Alors que le prix de l’électricité atteint chez eux des sommets en conséquence à leur Energiewende (« transition écologique »), il leur est indispensable que leurs voisins suivent la même trajectoire. Une énergie nucléaire bon marché de l’autre côté de la frontière constitue à terme une menace pour la compétitivité de leur industrie, en particulier dans les secteurs énergivores.
Néanmoins, le concept de taxonomie verte en lui-même ne manque pas nécessairement de pertinence. Mais il n’y a évidemment nul besoin d’appartenir à l’UE pour mettre en œuvre un mécanisme de ce genre. On peut d’ailleurs noter que le Royaume-Uni, de même que la Russie, planchent également sur des dispositifs similaires. Eux pourront poser les contours de cette classification sur la base d’éléments rationnels sans avoir à tenir compte des névroses de leurs voisins, ni d’être soumis à leurs intérêts économiques.
Pour sauver notre industrie et lutter efficacement contre le réchauffement climatique, il est plus urgent que jamais de nous libérer de l’Union européenne et de reprendre notre destin en main.
Timo BOUVARD
Commission Énergie et Environnement
- N’oublions d’ailleurs pas que cet argent ne tombe pas du ciel mais est directement soustrait à nos budgets nationaux.