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Charles-Henri Gallois : « S’il y a un couple franco-allemand, c’est un couple sado-maso »
Front populaire, le 22 janvier
Charles-Henri Gallois,
Président de Génération Frexit
Front populaire — Comment sommes-nous passés de la réconciliation de ce 22 janvier 1963 au « couple franco-allemand » que nos élites passent leur temps à encenser ?
Charles-Henri Gallois — La première chose à dire est que cette notion de couple franco-allemand n’existe que de notre côté du Rhin. En Allemagne, on parle de « tandem » et non de couple. Cela en dit déjà long sur le caractère asymétrique, voire toxique, de cette relation.
Le général de Gaulle avait une vision très pragmatique des relations internationales. La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts et des partenaires. De Gaulle cherchait à découpler les pays européens de l’URSS et des États-Unis. C’était le sens du traité de l’Élysée. À partir du moment où le Bundestag a ajouté des références à l’OTAN dans le préambule de ce traité, de Gaulle a su à quoi s’en tenir et n’aurait jamais osé parler de couple franco-allemand.
Aujourd’hui, c’est une relation à sens unique dans le sens où l’effort est à sens unique. La France est prête à tout céder en faveur de l’Allemagne et de l’Union européenne sans rien obtenir en retour. Quand la France ferme Fessenheim pour faire plaisir à l’Allemagne — ce qu’Emmanuel Macron lui-même a reconnu —, qu’obtient-elle en retour ? Rien.
Lorsque les traités de libre-échange, négociés pour les intérêts de l’industrie allemande, sont signés, qu’obtient-elle en retour ? Rien. Quand la France se bat pour que l’Allemagne obtienne un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, qu’obtient-elle en retour ? Rien.
L’exemple récent le plus criant est celui du marché de l’électricité de l’UE. La France a un intérêt vital à sortir tout de suite de ce mécanisme absurde de fixation des prix, qui avait été souhaité par l’Allemagne pour ne pas avoir de concurrence industrielle en Europe, mais elle ne le fait pas pour ne pas froisser l’Allemagne. Nous négocions depuis septembre 2021, sans que l’Allemagne bouge d’un iota. Pendant le même temps, l’Allemagne fait une subvention unilatérale de près de 200 milliards d’euros. Les règles de la concurrence ne s’appliquent plus dès lors qu’il s’agit des intérêts allemands. S’il y a un couple franco-allemand, c’est un couple sado-maso et c’est Berlin qui tient le fouet.
La France et l’Allemagne ont des intérêts divergents sur à peu près tous les grands sujets fondamentaux.
F. P. — Ce couple est-il un mythe complet ou comprend-il néanmoins une part de réalité ?
Ch.-H. G. — Je pense que c’est un mythe complet, car ces deux grands pays européens ont des intérêts divergents sur à peu près tous les grands sujets fondamentaux.
Sur l’énergie, la France doit sortir du marché de l’UE de l’électricité et investir massivement dans le nucléaire. C’est la stratégie opposée de celle de l’Allemagne. Sur la monnaie, la France aurait besoin d’une dépréciation monétaire au sein de la zone euro et l’Allemagne d’une appréciation. Concernant le commerce extérieur, la France souhaiterait une Union européenne plus protectionniste, l’Allemagne veut tout l’inverse pour maintenir son excédent commercial. Les Allemands sont d’ailleurs prêts à sacrifier l’agriculture dans tous les accords commerciaux pour son industrie. La France est toujours la grande perdante.
En matière de Défense et de politique étrangère, la France souhaiterait une politique européenne autonome. L’Allemagne achète des F-35 plutôt que des Rafale, et ne regarde que du côté de Washington. La seule chose qui intéresse l’Allemagne, c’est de faire main basse sur le savoir-faire industriel militaire français et si possible obtenir le contrôle de notre force de dissuasion nucléaire.
La complicité active de la Macronie dans cette base besogne tend vers la trahison. Le bénéfice du doute de la naïveté ne peut pas durer six ans. On peut même légitimement se demander si la décoration de Bruno Le Maire en Allemagne de la médaille de l’ordre du mérite en juillet 2022 ne l’a pas été pour services rendus.
L’Allemagne se fera une joie d’intégrer dans sa chaîne de production des pays avec un coût du travail très faible.
F. P. — La cérémonie dimanche, à la Sorbonne, sera suivie d’un Conseil des ministres franco-allemand à l’Élysée. Un sommet qui avait été reporté à la fin d’octobre sur fond de dissensions. Quelles sont les principales différences entre les visions stratégiques des dirigeants français et allemands qui pourraient fragiliser nos relations à moyen terme ?
Ch.-H. G. — Comme je l’évoquais lors de la question précédente, nous avons des intérêts divergents sur à peu près tous les grands sujets fondamentaux. J’en rajouterais deux autres.
Sur le plan migratoire, l’Allemagne voudra à un moment ou un autre ouvrir les vannes, comme elle le fit en 2015, pour faire face à sa démographie catastrophique. Ce n’est pas du tout dans l’intérêt de la France puisque nous avons une démographie qui tient mieux que l’Allemagne et que nous avons déjà de nombreux problèmes d’assimilation et d’insécurité liés à l’immigration de masse. La France devrait relancer sa politique familiale et réduire drastiquement l’immigration.
En matière de politique européenne, l’Allemagne veut pousser un maximum l’entrée de six pays des Balkans au sein de l’UE. Cela peut se comprendre d’un point de vue allemand car ce sont des pays proches de la sphère d’influence allemande. L’Allemagne se fera une joie d’intégrer dans sa chaîne de production des pays avec un coût du travail très faible. Pour la France, ce sera encore plus de concurrence déloyale et d’immigration incontrôlée.
F. P. — Maurice Gourdault-Montagne, ancien ambassadeur de France en Allemagne, lance une académie franco-allemande de Paris pour promouvoir le récit d’un couple franco-allemand. Le mythe est-il si fragile que cela ?
Ch.-H. G. — C’est un peu toujours la même chose avec l’UE et le couple franco-allemand : si la réalité ne plaît pas, ils inventent une réalité parallèle. Quand les arguments actuels des partisans de l’UE sont de dire qu’elle nous a protégés de l’inflation ou la crise du Covid-19, alors que c’est tout l’inverse, on se rend bien compte que ces gens vivent dans une réalité parallèle où le mensonge et la falsification sont rois.