Dette publique et inflation : un scandale à 15 milliards ?

Une « bourde » macronienne à 15 milliards ? Pour Charles-Henri Gallois, président de Génération Frexit et contributeur régulier à “Front populaire”, c’est le nouveau grand scandale qui pourrait obscurcir le ciel de la Macronie. Nous l’avons interrogé.

Front populaire, le 6 juillet
Charles-Henri Gallois,
Président de Génération Frexit

Front populaire — Alors que l’inflation galope (5,8 % en juin selon l’INSEE) et que le pouvoir d’achat des Français se réduit de jour en jour, le gouvernement émet des obligations… indexées sur l’inflation plutôt qu’à taux fixe. Pouvez-vous expliquer plus en détail comment tout cela fonctionne ?

Charles-Henri Gallois — C’est un scandale énorme qui ne sera pas sans conséquence pour les finances publiques, et donc notre argent. L’inflation dite harmonisée, qui est l’indice de comparable de l’UE donne même une inflation de 6,5 % pour la France. Elle est de 8,6 % en zone euro. Il y a à la fois des obligations d’État émises sur l’inflation française mais aussi sur celle en zone euro. Si vous aviez un emprunt à 1 %, vous allez devoir payer un intérêt de la dette compris entre 7,5 % et 9,6 % en fonction du type d’obligations. Même avec une inflation à seulement 6 %, le surcoût pour 2022 sera de 15 milliards d’euros. C’est un tiers du montant total de l’impôt sur les sociétés que nous paierons du fait de cette « bourde ».

J’imagine un artisan, commerçant ou entrepreneur qui aurait cette information au moment de régler son impôt sur les sociétés.

Celui qui aime se faire appeler le Mozart de la finance est en réalité le Beethoven de la dette.

F. P. — L’émission d’obligations indexées sur l’inflation peut-elle toutefois avoir un intérêt pour l’État ? Si oui, dans quel contexte ?

Ch-H. G. — Je pense que c’est, quoi qu’il arrive, un type d’emprunt risqué. Qui peut s’engager à dix ans en étant sûr du niveau d’inflation ? Est-ce que l’un de vous se lancerait dans un emprunt immobilier sur dix ou vingt-cinq ans avec un emprunt à taux variable ? Évidemment, non.

Le seul pari qui peut être valable est le suivant : vous avez des taux fixes élevés et une inflation forte. Vous pouvez obtenir un meilleur taux et avec pourquoi pas par la suite une baisse du niveau d’inflation. C’était le pari de Dominique Strauss-Kahn lorsqu’il a lancé ce type d’obligation en 1998.

Dans le cas de Macron, c’était le scénario inverse. La BCE avait annoncé dès janvier 2015 vouloir recréer de l’inflation, notamment via la politique d’assouplissement quantitatif. Entre cette annonce de la BCE et maintenant, le bilan de la BCE a été multiplié par plus de 4. L’inflation à venir était évidente. Le niveau d’encours de ce type d’emprunt n’augmentait d’ailleurs pas entre fin 2014 et avril 2017 (environ 200 milliards d’euros). Non seulement le duo Macron-Le Maire a renouvelé ces prêts mais ils ont augmenté le niveau d’encours à 250 milliards d’euros (11,5 % de l’encours de la dette négociable).

Celui qui aime se faire appeler le Mozart de la finance est en réalité le Beethoven de la dette et un financier très médiocre. Continuer et augmenter ce type d’emprunt dans un quinquennat où les taux fixes ont toujours été inférieurs à 1 %, voire ont été nuls ou négatifs, comme en 2020, relève d’une stupidité sans nom ou alors de conflits d’intérêts que l’on ne connaît pas. C’est vraiment criminel.

F. P. — On a peine à croire que la Macronie ait décidé sciemment de faire peser un tel poids sur le portefeuille des Français. Quels éléments d’explication peut-on imaginer ?

Ch.-H. G. — Avec des taux fixes aussi faibles, quiconque connaît la finance n’aurait jamais fait ce choix. Encore une fois, ils sont soit incompétents, soit corrompus, ou alors les deux !

Un exemple marquant est la première émission de l’histoire d’obligations vertes indexées sur l’inflation… en mai 2022 alors que l’inflation était déjà de plus de 5 %, que tout le monde savait qu’elle allait encore augmenter et qu’on pouvait encore emprunter à 1,6 % à taux fixe.

Il n’y a donc que les deux options que j’évoquais auparavant. Le point mort de ce type d’obligations est avec une inflation autour de 1 % ou 1,20 %. C’est totalement irréaliste dans le contexte actuel et avec la création monétaire délirante de la BCE.

Que ce soit l’incompétence ou la corruption, toute la lumière doit être faite sur cette affaire !

F. P. — Entre l’augmentation de l’inflation, celle de la dette publique, le cours de l’euro qui dégringole au point de passer sous celui du franc suisse… Si l’on prolonge les lignes, quels scénarios se profilent pour la France et pour la zone euro ?

Ch.-H. G. — Le coût de la charge de la dette va exploser, ce qui va encore augmenter le déficit et le stock de dette publique. Une hausse de un point d’un emprunt à taux d’intérêt fixe a un effet sur la charge de la dette de 40 milliards d’euros mais au bout de dix ans, le temps de faire rouler toute la dette. L’effet pour les obligations indexées sur l’inflation est immédiat comme on le voit dès cette année avec le surcoût de 15 milliards d’euros. Si l’on continue d’en émettre, cela va accélérer la hausse de la dette et les difficultés de l’économie française.

Un effet collatéral et certainement non souhaité par la Macronie est que cela va accélérer l’explosion de l’euro, déjà bien mis à mal par la seule inflation.

F. P. — L’opposition (RN et NUPES notamment) ne s’est pas encore emparée du sujet. Si vous aviez un message à leur faire parvenir, quel serait-il ?

Ch.-H. G. — Je leur demande de se saisir sans tarder de cette affaire et de lancer une enquête parlementaire sur ce scandale d’État. Je me tiens à leur disposition pour les aider dans cette démarche. Que ce soit l’incompétence ou la corruption, toute la lumière doit être faite sur cette affaire !

Je ne comprendrais pas que l’opposition ne se saisisse pas d’un tel scandale ! Nous verrons si nous avons enfin une opposition.

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