«L’UE empêche une politique migratoire qui consisterait à réduire vraiment les flux»

Face à l'afflux de migrants sur la petite île de Lampedusa, aux portes de l'Europe, la classe politique, tous bords confondus, rivalise de commentaires. Pour Charles-Henri Gallois, président de Génération Frexit, ces rodomontades politiques sont stériles à partir du moment où elles ne remettent pas en cause l'appartenance de la France à l'Union européenne, et sa soumission au cadre juridique européen.

Front populaire, le 20 septembre 2023
Charles-Henri Gallois
Président de Génération Frexit

Front populaire — En quoi la question de l’appartenance de la France à l’Union européenne est-elle capitale pour analyser intelligemment ce qu’il se passe aux portes de l’Europe ?

Charles-Henri Gallois — Tout simplement parce qu’on ne peut pas sérieusement réduire l’immigration tout en restant dans l’UE. Cet obstacle de l’UE concerne aussi bien l’immigration légale qu’illégale.

Le traité d’Amsterdam, entré en vigueur en 1999, confère à l’UE un large domaine de compétence en matière migratoire, restreignant considérablement les marges de manœuvre des États membres. Il suffit pour s’en convaincre de lire les articles 67, 77, 78 et 79 de l’actuel traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

L’article 67 dispose que l’UE « assure une absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et développe une politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle aux frontières extérieures ».

L’article 77 précise l’absence de contrôle aux frontières et une politique commune de visas et titres de séjour de courte durée.

L’article 78 expose le droit d’asile et « un statut uniforme d’asile en faveur de ressortissants de pays tiers, valable dans toute l’Union ».

Enfin, l’article 79 confirme que l’UE statue sur « les conditions d’entrée et de séjour » ainsi que les « normes concernant la délivrance par les États membres de visas et de titres de séjour de longue durée, y compris aux fins du regroupement familial ». Voilà pour le cadre général des traités.

Entrons maintenant dans le détail des obstacles concrets de l’UE pour pouvoir baisser l’immigration légale. Le premier pourvoyeur d’immigration légale est le regroupement familial. Sur 277 406 entrées légales en 2019, un tiers (90 502) des titres de séjour octroyés l’était pour motifs familiaux. Si l’on enlève les titres étudiants, c’est même la moitié des titres de séjour. Or ce regroupement familial est gravé dans le marbre au niveau de l’UE depuis 2003 avec la directive européenne 2003/86/CE.

La Hongrie, la Pologne ou le Danemark, souvent donnés en exemple, absorbe plus d’immigration rapporté à la population que la France.

On nous explique souvent que le regroupement familial a été mis en place en France par Valéry Giscard d’Estaing en 1976. C’est vrai. La grande différence est que cela restait au niveau national, donc toute nouvelle majorité pouvait y mettre fin du jour au lendemain. Ce n’est plus le cas avec cette directive européenne. Ne me parlez pas non plus des exemples de la Pologne ni de la Hongrie car ils ne tiennent pas la route quand on regarde les chiffres.

Il y avait un flux de 24 000 immigrés légaux en Hongrie en 2007. Il est désormais de 90 000 en 2019. Une multiplication par quatre en un peu plus de 10 ans. Il y avait un flux de 15 000 immigrés légaux en Pologne en 2007. Il est désormais de 227 000 en 2019. Une multiplication par quinze en un peu plus de dix ans. On a connu mieux comme modèles de réduction des flux migratoires ! La Hongrie, la Pologne ou même le Danemark, souvent donnés en exemple, absorbe plus d’immigration rapporté à la population que la France.

Matteo Salvini, en Italie, avait fait beaucoup de communication en tant que ministre de l’Intérieur, mais il avait connu le même échec cinglant. L’immigration légale en Italie a été de 332 000 personnes en 2018, elle est passée à 333 000 personnes en 2019. Preuve s’il en est qu’il n’y a pas de réduction importante de l’immigration légale en étant dans l’UE.

L’immigration illégale avait légèrement diminué mais ce n’était même pas de son fait puisque le gouvernement précédent (Parti démocrate, centre-gauche) avait passé un accord avec la Libye pour qu’elle retienne les migrants sur son sol en 2017. Avec Meloni et le nouveau flux tunisien, l’immigration illégale a doublé en un an !

Notre appartenance à Schengen et à l’UE nous empêche tout contrôle sérieux.

Venons-en justement maintenant à l’immigration illégale. On peut affirmer d’emblée que notre appartenance à Schengen et à l’UE nous empêche tout contrôle sérieux. Un immigré illégal qui arrive en Grèce ou en Italie peut ensuite arriver tranquillement en France sans le moindre contrôle. Le règlement Dublin III qui concerne l’asile est une usine à gaz inapplicable comme seule l’UE sait le faire. Il se base sur le volontariat mais va être remplacé par le Pacte européen sur la migration et l’asile qui obligera les pays à prendre son quota de migrants sous peine d’une amende de 20 000 euros par migrants. Le concept est là aussi d’autant plus stupide que les migrants pourront très facilement quitter le « pays alloué » pour se rendre dans le pays de leur choix.

Le rôle de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), inscrit dans les traités européens, est aussi majeur car elle empêche largement les expulsions, même quand des demandeurs d’asile sont déboutés. Le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) n’est même pas de 10 %. C’est infime lorsque l’on sait que 178 000 personnes ont demandé l’asile en France en 2019. Il n’y avait que 1 600 demandeurs d’asile en 1973. Il y en avait 61 000 en 2012. La demande d’asile n’est plus un phénomène marginal mais de masse car le statut est bien plus avantageux qu’un titre de séjour. Les services chargés de son traitement sont noyés sous les recours, qui se multiplient souvent pour les mêmes personnes. Le droit d’asile a été dévoyé et constitue le principal pourvoyeur de l’immigration illégale.

Lorsque l’on étudie la question migratoire sérieusement, on voit bien que l’UE empêche une politique migratoire qui consisterait à réduire vraiment les flux.

La gauche se ridiculise sur le fond, et la droite se ridiculise quant aux solutions proposées.

Fr. P. Dans ce cadre, quel est le rôle concret de la fameuse « directive retour » de l’Union européenne ?

Ch.-H. G. — La directive retour de 2008 est assez méconnue en France alors qu’elle a un rôle capital dans la gestion de l’immigration illégale. Elle institue le principe de non-refoulement et met des bâtons dans les roues considérables quant à l’expulsion des illégaux. Elle pose le principe du retour volontaire, c’est-à-dire qu’à la première interpellation, on ne peut pas expulser un illégal. Il doit faire son retour dans son pays volontairement. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il sera éventuellement possible de l’expulser. Les arrêts de la CJUE de 2011 (El Dridi) et 2012 (Sagor) empêchent la peine d’emprisonnement pour délit de séjour irrégulier découlent également de cette directive.

Si l’on ajoute à tout cela les jurisprudences de la CEDH et d’autres jurisprudences de la CJUE, on comprend qu’il est quasiment impossible d’expulser un immigré illégal du territoire national.

Fr. P. — LFI qui oscille entre l’immigrationnisme de Mélenchon et la résignation de François Ruffin, le RN qui semble éviter soigneusement de parler de la question européenne, en se cantonnant à celle du référendum sur l’immigration, Reconquête, gênée aux entournures par le virage de Meloni, mais qui charge Frontex… que penser des réactions des oppositions françaises ?

Ch.-H. G. —  Les oppositions se ridiculisent sur cette question. On a l’impression d’un grand théâtre de guignols qui fait comme si l’UE n’existait pas.

La gauche se ridiculise sur le fond, et la droite se ridiculise quant aux solutions proposées.

La gauche nous joue à chaque fois le refrain humanitaire. Oui, on doit évidemment sauver les migrants d’une éventuelle noyade mais on doit les raccompagner au port d’origine. Il faut décourager totalement les traversées pour éviter de nouvelles traversées et de nouveaux drames. Il n’y a absolument aucune humanité à piller les forces vives de ces pays. Il n’y a absolument aucune humanité à faire venir ces pauvres gens alors que l’on n’a pas les capacités de les accueillir. Il n’y a absolument aucune humanité à les exploiter pour trois francs six sous. Il n’y a aucune humanité à favoriser le trafic de passeurs mafieux. Il n’y a absolument aucune humanité vis-à-vis des Français à les mettre en concurrence par un mécanisme de pression à la baisse sur les salaires. Il n’y a absolument aucune humanité vis-à-vis des Français quand on voit le nombre de crimes commis par des immigrés illégaux.

Le référendum sur l’immigration, sans référendum sur l’appartenance à l’UE, c’est le Kärcher de Nicolas Sarkozy : un Kärcher sans eau.

La droite elle, plus lucide sur le fond, se ridiculise quant à elle en ce qui concerne les solutions proposées. La proposition commune est un référendum sur l’immigration. La question qui se pose est de savoir si une modification de la Constitution française prévoyant que la loi postérieure primera sur un traité international permettra effectivement d’imposer au juge français une loi contraire au droit européen. Rien n’est moins sûr.

C’est en effet vite oublier que la Constitution se contredit parfois elle-même et se contredirait aussi ici. Il est en effet inscrit dans l’article 88-1 de notre Constitution que la France fait partie de l’Union européenne. Or il est aussi inscrit le principe de souveraineté nationale, antagoniste à cet article 881, tout comme le serait un article 55 modifié. Dès lors, à partir du moment où il y a un flou ou une contradiction, c’est le juge qui tranchera.

Cette appartenance à l’UE, inscrite dans notre Constitution, implique le droit européen. Dans l’ordre juridique européen, il n’y a rien au-dessus des traités européens, qui ont valeur de Constitution, et aucune cour ne peut supplanter la CJUE. Par les arrêts Costa de 1964 et Simmenthal de 1978, la CJUE a déjà tranché et considère le droit communautaire comme supérieur au droit national.

Même au niveau national, la Cour de cassation en 1974 avec l’arrêt Jacques Vabre et le Conseil d’État en 1989 avec l’arrêt Nicolo ont tranché dans le même sens. En raison de cet historique et de la contradiction juridique, il n’y a pas besoin d’être un grand clerc pour être sûr que le juge national tranchera dans 90 % des cas en faveur du droit communautaire, et toute réforme ambitieuse sera paralysée, que ce soit à travers d’un projet de loi classique ou d’un référendum. C’est aussi vite oublier que la France est membre de l’euro. La BCE pourra couper le robinet monétaire si la France est récalcitrante.

En d’autres termes, c’est proposer un référendum dont on ne pourra pas appliquer le résultat. Le référendum sur l’immigration, sans référendum sur l’appartenance à l’UE, c’est le Kärcher de Nicolas Sarkozy : un Kärcher sans eau. C’est du Meloni.

Quant à Frontex, On a bien vu que le problème réside bien dans les règles de l’UE qui favorisent l’immigration. L’UE n’est pas la solution. L’UE est précisément le problème.

Si je suis candidat aux élection européenne, j’irai dans une optique d’alliance souverainiste qui utilisera et votera les textes dans l’intérêt de la France.

Fr. P. — La stratégie visant à transformer l’UE de l’intérieur, via les élections européennes notamment, est-elle réaliste ?

Ch.-H. G. — C’est vraiment se moquer du monde. Le Parlement européen est une chambre d’enregistrement qui n’a même pas la possibilité de faire des propositions de loi. Ce n’est pas le Parlement européen qui a le pouvoir de modifier les traités (il faut l’unanimité des États membres) ni les directives. Il faut dire les termes et arrêter de raconter des salades aux Français. Oui, au Parlement européen, on peut voter contre tout nouveau transfert de souveraineté ou contre tout nouveau texte de loi contre les intérêts de la France mais on ne peut en aucun cas changer l’UE telle qu’elle est.

Je ne sais pas encore si je serai candidat pour les élections européennes. Si j’y vais, j’irai dans une optique d’alliance souverainiste qui utilisera et votera les textes dans l’intérêt de la France, qui dénoncera les scandales, notamment financiers, de l’UE, et qui se servira du Parlement européen comme porte-voix pour exiger un référendum sur l’appartenance à l’UE. Mais je ne vais pas raconter n’importe quoi aux Français. Ce n’est pas par le Parlement européen qu’on changera l’UE ni qu’on peut obtenir ce référendum.

Fr. P. — Imaginons un instant une France souveraine, libérée du carcan européen et de ses lois. Quelle politiques pourraient être mises en place pour faire face à des flux migratoires toujours plus hors de contrôle ?

Ch.-H. G. — C’est très simple. Rétablissement des frontières nationales. Refoulement systématique aux frontières. Expulsion systématique des étrangers délinquants. Baisse drastique de l’immigration légale. La France n’a plus les moyens d’accueillir ce niveau d’immigration. Quasiment 500 000 immigrés légaux en 2022 – l’équivalent d’une ville comme Toulouse. En deux ans, d’une ville comme Marseille. On assimile des individus, pas des peuples.

Tout ceci sera possible car on aura réellement repris le contrôle. Il est urgent d’obtenir un référendum sur l’appartenance à l’UE. Faisons en même temps un référendum sur l’immigration avec les solutions que je propose. Un Kärcher avec de l’eau, cette fois-ci.

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