1er mars 2021

« Nous paysans », silencieux sur les ravages de la construction européenne

Nous paysans
« Nous paysans » a rassemblé cinq millions de téléspectateurs selon Médiamétrie.

DOCUMENTAIRE diffusé sur France 2 le 23 février, Nous paysans est un bon travail pour ses images d’archives, mais il présente à notre avis des lacunes et des biais dans son argumentation et laisse un peu le spectateur dans l’expectative. Il a rassemblé cinq millions de téléspectateurs selon Médiamétrie. Nous nous permettrons de relever trois de ces insuffisances.

1. Le documentaire insiste sur les souffrances linguistiques des paysans au début du XXe siècle à l’école, auxquels on interdisait de parler le « patois ». Mais il eût été bon de rappeler que l’apprentissage généralisé du français a bénéficié à l’uniformité des pratiques et des territoires, et à l’intégration nationale des populations rurales, donc à leur enrichissement final. L’unité linguistique a permis d’asseoir fermement le principe de la République dans le cœur des Français. C’est elle qui a permis aussi le développement de la vision politique française : laïque, universaliste, intégratrice, égalitaire. Cette vision politique est d’ailleurs désormais battue en brèche par les idéologies individualistes, communautaristes et régionalistes qui prospèrent à l’ombre de l’Union européenne et de la mondialisation, au risque de détricoter complètement cette unification, dont les paysans ont été les premiers bénéficiaires.

Le documentaire passe sous silence le rôle de l’Union européenne dans la dérégulation.

2. On découvre que les agriculteurs interrogés en 2020 l’avaient déjà été (ou leurs parents) dans les décennies précédentes. Ils appartiennent quasiment tous à la Jeunesse agricole catholique, mouvement qui a unifié les agriculteurs dans les années 1930 (et dont la FNSEA est la lointaine héritière), que ce soit pour leurs revendications sociales, leur émancipation ou leur reconnaissance dans une société française très « vache » avec ses paysans. Il aurait été intéressant d’avoir la vision des autres syndicats agricoles français, comme la Confédération paysanne ou bien la Coordination rurale, qui ne partagent pas toujours les mêmes points de vue.

3. Le documentaire passe sous silence l’ensemble du travail fait à partir de la fin des années 1970 pour réguler les volumes produits et qui ont été mis à bas précisément par l’Union européenne pour satisfaire au dogme du libre-échange.

Une puissance agricole en grand danger

Le constat est sans appel, le nombre de agriculteurs a été divisé par quatre en quarante ans — et par plus de dix en un siècle ! C’est la conséquence inévitable de la recherche de la productivité pour assurer l’indépendance alimentaire du pays et permettre, grâce à ces bras poussés vers les villes, le développement de l’industrie alors en plein essor.

Pourtant, si Guillaume Canet — le narrateur du documentaire — dit plusieurs fois qu’« ils nourrissent les Français », tout n’est pas si rose. Le documentaire explique bien que dans les années 1960 la France a toujours une balance agricole déficitaire. Cette balance s’inverse avec l’avènement de la mécanisation et de l’agrochimie, mais seulement pour un temps. Dès la fin des années 1980, et à cause de l’engagement corps et âme de notre pays dans la « construction européenne », la libre concurrence dicte sa loi. Les mécanismes de régulation sautent les uns après les autres et l’on met en concurrence notre tissu agricole avec le monde entier.

Notre excédent commercial agricole diminue si bien que la France risque de devenir déficitaire en 2023.

Aujourd’hui nous vous invitons à consulter les sites gouvernementaux pour vérifier si les productions françaises suffisent à nos assiettes : c’est loin d’être le cas. Certes la France exporte beaucoup de ses productions primaires, mais nous en importons tout autant. En effet presque 20 % de notre alimentation vient de l’étranger : un fruit ou légume sur deux, 25 % de la viande de porc et 34 % de la volaille. L’agriculture représente le troisième excédent commercial français après l’aéronautique et la chimie. Il est de 6,1 milliards d’euros en 2016 mais il diminue si bien que la France risque de devenir déficitaire en 2023, selon certaines prévisions.

Et comme les Français sont attachés à leurs terroirs, certaines enseignes masquent le label UE pour mettre un drapeau français à la place… Cela part d’un bon sentiment mais attention à ne pas tromper le consommateur ! Du reste, si nous pensons trouver le salut dans l’agriculture biologique ou avec nos nombreuses AOP pour faire vivre nos agriculteurs, nous pourrons peut-être équilibrer notre bilan comptable mais nous n’équilibrerons pas notre bilan alimentaire.

Le Frexit pour sortir de la spirale productiviste

Malgré ces constats, aucune solution n’est présentée dans le documentaire, notamment pour sortir du « modèle » productiviste mondialisé qui stérilise les terres et les terroirs. Aucune mention n’est faite des traités de libre-échange comme le CETA ou le traité avec le Mercosur, poussés par l’UE sans l’aval des populations, et majoritairement rejetés par l’opinion française, paysans et agriculteurs en premier lieu.

Aucune mention non plus n’est faite de l’avenir d’un tel modèle productiviste dans un contexte de raréfaction des énergies fossiles et de réchauffement climatique. De fait, le Frexit est une solution pour reprendre le contrôle de notre politique agricole, comme les Britanniques y sont parvenus : la sortie des traités européens entraînant celle du CETA. Ils ont même lancé récemment une politique « plus frugale et plus verte » avec leur propre système de subventions publiques [1].

À la fin du documentaire, toutefois, un agriculteur esquisse son avis sur la possibilité d’un sursaut pour la France agricole : la nécessité non pas d’injecter de l’argent dans un système d’agrobusiness mondialisé, autodestructeur et écocide, mais de revenir à la noblesse de la paysannerie, à toute une culture nationale, sociale, presque identitaire, d’éducation à la nature et à la vie. Ainsi nous ferons adhérer les jeunes à cette joie commune de faire pousser des légumes, des fruits, des céréales, de cuisiner selon nos différents terroirs. Et nous sommes tout à fait d’accord avec lui.

Le pays de la gastronomie, des paysans et des terroirs résistera.

1. Londres, qui ferraillait régulièrement contre une PAC jugée « bureaucratique », pourra faire valoir sa vision. « Le gouvernement envisage d’introduire un nouveau système, centré sur un soutien qui récompense les agriculteurs et les gestionnaires de terres pour des pratiques agricoles durables », a indiqué, début décembre, le département de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales au Royaume-Uni à l’occasion de la présentation du dispositif qui remplacera la PAC. Il sera appliqué exclusivement en Angleterre : le Pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord organiseront leur propre système de subventions. (Source : l’Usine nouvelle.)

Olivier LOISEL
Responsable Génération Frexit Aquitaine
Firass YASSIN
Commission Agriculture

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*Pas de remise sur les livres

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