Nouvelle PAC : l’UE a décidé d’en finir avec la souveraineté alimentaire

APRÈS plusieurs années de renégociation, la nouvelle politique agricole commune est votée et entrera en vigueur probablement à partir de 2023. L’occasion de se pencher une nouvelle fois sur l’usine à gaz qu’est l’Union Européenne et de constater que si la situation d’hier était catastrophique, celle de demain, hélas, sera pire.

Car comme toujours avec l’Union européenne on cherche en vain la cohérence entre les objectifs annoncés et les mesures prises. Qu’on en juge. Parmi les points essentiels de cette nouvelle PAC on note la réduction de moitié de l’usage des pesticides, la diminution de 10 % des surfaces cultivées et le passage à 25 % des terres en agriculture biologique. Il faudra donc nous expliquer comment cette nouvelle PAC permettra à la fois de garantir notre sécurité alimentaire (en cause les pertes de productions attendues) et d’améliorer notre empreinte carbone (en cause l’extensification attendue des productions et les importations potentielles nécessaires si nous perdons trop de rendement).

On n’ose non plus imaginer le retentissement que ces pertes de production vont avoir sur les principaux pays à destination desquels nous exportions nos surplus, en particulier ceux du bassin méditerranéen. Les conséquences géopolitiques de ces mesures ne peuvent être que de deux sortes : soit un autre intervenant que l’Europe prendra le relais pour alimenter ces pays en déficit structurel de surfaces cultivables (c’est donc une perte d’influence européenne), soit cela amènera inévitablement une déstabilisation forte de ces régions conduisant à des migrations massives des populations locales qui ne pourront plus se nourrir (et ici encore l’Europe sera en première ligne).

En fait, après plusieurs décennies de tergiversation au cours desquelles l’UE a fait croire à nos agriculteurs qu’ils pourraient lutter à armes égales avec les pays en développement en étant compétitifs grâce aux investissements et aux regroupements des exploitations, elle change maintenant de position. Désormais nos agriculteurs sont poussés à se spécialiser dans des productions de luxe, IGP, bio et autres label, afin de s’extraire des contraintes du marché mondial au détriment de notre souveraineté alimentaire. C’est en fait la conséquence logique de l’application doctrinaire par l’UE de la théorie des avantages comparatifs de Ricardo. Peu importe si depuis le déclenchement de la crise du Covid-19 plus personne ne prend au sérieux cette théorie dont les conséquences sont funestes pour les populations, l’UE considère qu’il vaut mieux renoncer à notre sécurité alimentaire plutôt que de remettre en cause ses dogmes et ses traités.

Firass YASSIN
Commission Agriculture

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