Optimisation fiscale dans l’UE, une machine bien rodée : l’exemple d’Amazon

Le G20 a annoncé en fanfare il y a quinze jours avoir approuvé un « accord historique » sur de nouvelles règles fiscales internationales. Cet « impôt mondial sur les multinationales » a été validé par 136 pays. Il taxera ces dernières à 15 % selon des modalités telles qu’il ne leur coûtera certainement pas grand-chose au bout du compte. Il ne s’agit en vérité que d’une réforme de façade qui se coule parfaitement dans le cadre préexistant de l’optimisation fiscale que l’Union européenne et la mondialisation permettent et encouragent. « Il faut que tout change pour que rien ne change » : l’exemple d’Amazon montre une fois de plus la validité de cet adage.

LES ANNÉES passent, les scandales financiers éclatent, les lanceurs d’alerte se succèdent, mais rien n’y fait : les multinationales — dont l’exemple emblématique est celui des GAFAM — arrivent encore et toujours à échapper à l’impôt. Où le bât blesse, c’est que les procédés employés restent la majorité du temps dans le champ de la légalité  : c’est ce que l’on appelle « l’optimisation fiscale ». Comment est-il possible que de tels déséquilibres puissent subsister au sein d’une entité supposée protectrice comme l’Union européenne ?

Les informations révélées par l’affaire dite des LuxLeak, qui ont mis en lumière les pratiques d’Amazon, vont nous permettre de comprendre les problématiques de la fiscalité européenne et de l’exploitation des failles menant à la mise en place de stratégies à des fins d’optimisation fiscale. Nous aborderons ensuite un état des lieux des tentatives de régulation réalisées par le passé et leur insertion dans le cadre juridique de l’Union européenne tout en effectuant l’analyse des solutions potentielles pouvant être mises en place par l’UE et le bilan des sanctions de la Commission à l’encontre d’Amazon.

I. Stratégies d’optimisation fiscale dans l’UE : exploitation de la concurrence fiscale entre les États

A. La question de la TVA

En matière de fiscalité, l’un des premiers problèmes à avoir été levé est celui du lieu de règlement de la TVA. Depuis la directive n° 2002/38/CE du 7 mai 2002, il était établi que celle-ci serait reversée, selon les cas illustrés ci-dessous, dans le pays du consommateur ou du prestataire. Cette législation ayant été introduite avant la généralisation et l’explosion du commerce en ligne, elle s’est avérée particulièrement avantageuse dans le cas d’une entreprise comme Amazon, proposant des services basés dans un pays de l’Union européenne, mais dont le consommateur se trouverait dans un pays différent au sein de l’UE. La TVA étant, dans cet unique cas de figure, redevable dans le pays du prestataire, les entreprises de commerce en ligne ont donc installé leur siège dans des pays à basse fiscalité (au Luxembourg en ce qui concerne Amazon).

Ce cas de figure a permis à certains États de jouer sur le différentiel fiscal pour renforcer leur attractivité. En 2011, le Luxembourg adopta un taux réduit à 3 % sur la TVA applicable au livre numérique, ce qui selon la Commission « aurait transféré 90 % du business de l’UE au Luxembourg, où le géant de la vente en ligne Amazon a son siège européen et provoqué des emplois perdus partout ailleurs ».
Fort de cette donnée, le sénateur Philippe Marini dresse le constat suivant :

« Cette situation de compétition fiscale met en lumière l’absence d’approche européenne cohérente et concertée sur ce sujet, au seul bénéfice de l’acteur principal du marché, Amazon, et de l’État d’établissement de son siège, le Luxembourg. » (Rapport du Sénat sur la fiscalité du numérique du 27 juin 2012, p. 45.)

Ces aménagements furent obtenus sous la pression du Premier ministre luxembourgeois de l’époque, M. Jean-Claude Juncker.

Entre-temps, la prise de conscience par les États de l’érosion de leur matière fiscale dans ce domaine aboutit à la directive 2008/8/CE du 12 février 2008 visant à corriger le cas susmentionné en rendant la TVA redevable dans le pays du consommateur. Il est à noter que ces nouvelles règles du paquet TVA furent applicables dès le 1er janvier 2010, à l’exception du secteur des services de commerce en ligne et des télécommunications — c’est-à-dire les cibles principales de cette mesure — pour lesquels une entrée en vigueur échelonnée du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2019 fut accordée comme suit.

1. Au 1er janvier 2015, l’État du prestataire conserve 30 % des recettes de TVA.
2. Au 1er janvier 2017, l’État du prestataire conserve 15 % des recettes de TVA.
3. Au 1er janvier 2019, l’État du prestataire conserve 0 % des recettes de TVA.

Ces aménagements furent obtenus sous la pression du Premier ministre luxembourgeois de l’époque, M. Jean-Claude Juncker, devenu président de la Commission européenne par la suite (et dont le rôle sera approfondi plus loin). Ainsi, il aura fallu dix-sept ans après les premières réglementations (en 2002) pour que les États membres de l’Union européenne, défendant des intérêts divergents, mettent fin à cette distorsion de concurrence fiscale sur la TVA.

B. Impôt sur les sociétés

L’impôt sur les sociétés s’avère plus complexe à réguler. En effet, dans le cas des entreprises du numérique, il y a décorrélation complète entre le territoire où est située l’entreprise et le lieu de création du revenu. Ainsi la suppression de la majorité des limitations aux mouvements de capitaux dans une zone monétaire unique où subsistent 19 politiques fiscales différentes permet à la concurrence fiscale d’être pleinement exploitée, au bénéfice des pays aux taux d’imposition les plus avantageux.

Plusieurs problèmes se chevauchent donc. D’une part, la fiscalité relevant dans une très large mesure de la compétence exclusive des États, toute proposition d’un taux unique pour l’impôt sur les sociétés au niveau européen se heurterait à la règle de l’unanimité, impliquée par les articles 114 et 115 du TFUE.

Au niveau européen, une première étape de définition d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés avait échoué en 2011.

D’autre part, la définition actuelle de la notion centrale « d’établissement stable » — c’est-à-dire la présence physique via un siège de direction, un bureau ou une succursale — n’est pas adaptée au secteur du numérique et ne permet donc pas l’imposition dans les pays en dehors de celui d’établissement du prestataire. La modification unilatérale d’un tel statut n’est pas possible, car celui-ci a été adopté au niveau de l’OCDE et appliqué lors de l’établissement de conventions fiscales entre États. Sa modification ne peut donc se faire que dans le cadre de l’OCDE.

Enfin, la méthode de calcul de l’impôt sur les sociétés diffère selon les États. Au niveau européen, une première étape de définition d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, la proposition de directive ACCIS, avait échoué en 2011. Elle a été relancée en 2016, seulement, les modalités de répartition des résultats nets entre États n’auraient que très peu d’impact sur les entreprises du numérique. Selon la sénatrice Catherine Morin-Desailly :

« Cette clef de répartition néglige les immobilisations incorporelles, qui sont précisément le biais utilisé par les entreprises numériques pour diminuer leur matière imposable. Le projet ACCIS pourrait donc s’avérer contre-productif pour l’imposition des entreprises du numérique, si du moins sa négociation devait aboutir. » (Rapport d’information de la commission des Affaires européennes du Sénat du 20 mars 2013, p. 93.)

Cet accord concerne seulement les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 milliards de dollars, ainsi que l’imposition des bénéfices au-delà du seuil de 10 % de marge.

Dans ce contexte, qu’en est-il alors de l’accord du 1er juillet 2021 à l’OCDE sur le taux d’imposition minimal de sociétés ? Dans l’immédiat, il s’agit surtout d’un accord symbolique. Voici pourquoi.

1. Il est non-impératif : son application repose sur la bonne volonté des États signataires.
2. Il est non-contraignant : aucune sanction n’est prévue contre les États non-signataires ou ne respectant pas l’accord.
3. Il n’est pas signé par des États réputés comme étant des paradis fiscaux, au premier rang desquels l’Irlande, membre de l’Union européenne. Par ailleurs, rien n’empêche un État de s’aligner formellement sur le taux d’imposition minimal décidé, puis, par la pratique du rescrit fiscal que nous détaillerons plus loin, d’appliquer un taux d’imposition réel bien plus bas à une entreprise.
4. Il ne concerne pas les entreprises des secteurs minier, pétrolier et financier.

De surcroît, il concerne seulement les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 milliards de dollars, ainsi que l’imposition des bénéfices au-delà du seuil de 10 % de marge, ce qui, ramené à l’intégralité des bénéfices réalisés, aboutit de fait à un taux d’imposition final extrêmement faible. Comble de l’ironie, des entreprises comme Amazon réinvestissent leurs marges, donc se situent généralement au-dessous de ce seuil, ce qui fait craindre à certains observateurs que Facebook et Amazon puissent se retrouver exclus du périmètre d’application de cet accord tel qu’il est formulé en l’état (la segmentation par activités n’y figurant pas et devant faire l’objet de négociations ultérieures).

C. Constitution de holdings et transferts intragroupes

L’absence d’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne fait que les différences de traitements entre États applicables à des opérations financières au sein d’un même groupe peuvent être exploitées afin de minimiser la base imposable à travers l’usage de divers mécanismes d’exemption. D’après le commissaire européen à la Politique de la concurrence Margrethe Vestager, entre 2006 et 2014, Amazon a pu largement bénéficier de ces mécanismes en faisant échapper à l’impôt les trois quarts de ses bénéfices imposables. La structure adoptée était relativement simple et se décompose en deux entités distinctes, Amazon EU et Amazon Europe Holding Technologies. La description qui va suivre est issue de l’enquête de la Commission européenne sur Amazon.

Il s’agit, dans les deux cas, de sociétés de droit luxembourgeois détenues à 100 % par le groupe Amazon et contrôlées en dernier ressort par la société mère établie aux États-Unis, Amazon.com Inc.

Amazon a structuré ses activités de vente en Europe de telle sorte que les clients achetant ses produits les achetaient contractuellement à la société d’exploitation au Luxembourg.

Amazon EU (la « société d’exploitation ») exploite les activités de vente au détail d’Amazon dans toute l’Europe. En 2014, elle comptait plus de 500 salariés, qui sélectionnaient les marchandises à vendre sur les sites web d’Amazon en Europe, les achetaient aux fabricants et géraient la vente en ligne des produits et leur livraison aux clients. Amazon a structuré ses activités de vente en Europe de telle sorte que les clients achetant des produits sur n’importe quel site web d’Amazon en Europe les achetaient contractuellement à la société d’exploitation au Luxembourg. Amazon pouvait ainsi enregistrer au Luxembourg la totalité de ses ventes réalisées en Europe, de même que les bénéfices qu’elles généraient.

Amazon Europe Holding Technologies (la « société holding ») est une société en commandite simple n’ayant ni salariés, ni bureaux, ni activités commerciales. La société holding fait office d’intermédiaire entre la société d’exploitation et Amazon aux États-Unis. Elle détient certains droits de propriété intellectuelle pour l’Europe dans le cadre d’un « accord de répartition des coûts » passé avec Amazon aux États-Unis. La société holding ne fait elle-même aucun usage actif de cette propriété intellectuelle. Elle accorde simplement une licence exclusive sur cette propriété intellectuelle à la société d’exploitation, qui l’utilise pour exploiter les activités de vente au détail d’Amazon en Europe.

Il apparaît ainsi clairement que la flexibilité du droit fiscal luxembourgeois, combiné aux carences du droit communautaire en matière fiscale engendre un environnement favorable aux mécanismes d’optimisation à travers l’utilisation d’entités hybrides1, c’est-à-dire l’exploitation des dissymétries juridiques des différents droits nationaux afin de minimiser, voire d’éviter l’imposition. À cela s’ajoutent les accords avec l’administration fiscale , que nous allons aborder maintenant.

D. Pratique du rescrit fiscal (« tax-ruling »)

En plus de la possibilité de s’établir dans des pays à la fiscalité avantageuse, les entreprises peuvent s’adresser à l’administration fiscale du pays où ils installent leur siège afin d’évaluer la légalité de leur situation fiscale. Il s’agit en fait pour l’entreprise d’obtenir un accord avec le fisc local en vue de bénéficier d’un taux d’imposition inférieur au taux standard. Le scandale Luxleak en 2014 a révélé qu’Amazon disposait d’un tel accord depuis 2003, reconduit en 2011 lorsque le grand-duché était alors dirigé par Jean-Claude Juncker, futur président de la Commission européenne (2014-2019). Le taux d’imposition des bénéfices obtenu était alors de 7,25 % au lieu de 29 %.

Infographie sur la pratique du rescrit fiscal au Luxembourg (source : “le Monde”).

II. Avancement de la législation européenne et points de blocage

A. Harmonisation fiscale

Les différentes difficultés sur la taxation soulevées précédemment ont permis de mettre en lumière différentes initiatives européennes visant à réduire la concurrence fiscale entre les États de l’Union européenne. Seulement, celles-ci se heurtent à l’incompatibilité entre la souveraineté étatique en matière fiscale et harmonisation au niveau des Vingt-huit, avec prédominance de la première sur la seconde, celle-là étant une compétence exclusive des États. Ainsi, toute législation au niveau communautaire se doit d’être entérinée à l’unanimité comme l’exige les articles 114 et 115 du TFUE. Or, si le commissaire européen Pierre Moscovici a certes proposé le passage à la majorité qualifiée pour décider des sujets fiscaux, cette modification requiert également l’unanimité pour être adoptée. Le système est complètement verrouillé.

De fait, une telle concession suppose la volonté de franchir une étape supplémentaire dans l’intégration européenne et le partage d’une même vision des priorités communes, ce qui n’est pas la tendance actuelle prédominante dans plusieurs des États membres de l’Union européenne. Même dans des États où le gouvernement est pro-européen, la perspective de toute intégration supplémentaire se heurte à un refus farouche :

« Les Pays-Bas s’opposent à toute avancée de l’Union économique et monétaire qui pourrait s’interpréter comme ayant une nature “fédérale”. Ainsi en est-il de la mutualisation des dettes et de la création d’un ministre des Finances ou d’un Parlement de la zone euro. » (Rapport de la commission des Affaires européennes du Sénat du 15 mars 2018, p. 13.)

Il y a un double discours de certains États et dirigeants, farouches défenseurs de l’équité fiscale en public, mais qui bloquent l’instauration de mesures concrètes au sein des instances dédiées.

De même que les priorités, qui, pour les Pays-Bas, s’axent autour des règles déjà existantes en matière budgétaire et de la nécessité de les faire respecter par tous les États, sans quoi aucune discussion sur l’approfondissement et l’élargissement de l’harmonisation ne peut aboutir.

De plus, il convient de tenir compte du double discours de certains États et dirigeants, farouches défenseurs de l’équité fiscale en public, mais qui bloquent l’instauration de mesures concrètes au sein des instances dédiées. Ainsi, en 2017, des documents révélés par le Gardian pointent notamment la responsabilité de Jean-Claude Juncker dans l’implémentation de la fiscalité attractive du Luxembourg, et notamment des rescrits fiscaux accordés à de nombreuses grandes entreprises. D’autre part, ils rendent compte des blocages systématiques que le Luxembourg oppose aux initiatives de suppression des mesures entraînant une concurrence fiscale déloyale au sein du groupe de conduite sur la fiscalité des entreprises.

« Parmi ces États membres, le Luxembourg figure en première position d’une poignée de pays à avoir utilisé leurs sièges au sein du “Code de conduite sur la fiscalité des entreprises” pour contrecarrer l’action de l’UE et, surtout, pour protéger les particularités de leurs régimes fiscaux. » (Arte, 3 janvier 2017.)

B. La taxe européenne sur les GAFA

Autre illustration des divergences politiques bénéficiant à Amazon : la taxe sur les GAFA souhaitée au niveau européen ne verra pas le jour et sera remplacée, selon les pays, par une taxe sur les revenus publicitaires ou une taxe sur le chiffre d’affaires. Ainsi, loin de s’harmoniser, les pays de l’Union européenne vont au contraire accentuer la divergence de leurs taxations en jouant sur l’assiette imposable. Amazon tirant des revenus non seulement de la publicité mais également de sa market place, ou encore de son offre de téléchargement ainsi que de son offre Cloud AWS, la taxe sur la publicité ne concernerait qu’une partie des de ses activités, ce qui rend plus attractifs fiscalement les pays qui ne taxeraient que les revenus de la publicité comparé à ceux qui instaureraient une taxe sur le chiffre d’affaires.

Au reste, le problème central demeure : la complexité d’évaluer correctement le chiffre d’affaires d’Amazon dans un pays donné en l’absence d’établissement stable (concernant l’ensemble des activités d’Amazon, et non pas seulement celles des ventes au détail, comme c’est le cas en France depuis 2015 avec la succursale Amazon EU SARL). Ce levier permet à Amazon de traiter directement avec le fisc afin de régulariser sa situation tout en minimisant sa redevance.

C. Liberté de circulation, lutte contre l’évasion fiscale et jurisprudence de la CJUE

Outre les articles 114 et 115 du TFUE qui exigent l’unanimité des États pour légiférer sur la fiscalité au niveau de l’Union européenne, il est essentiel de s’attarder sur l’article 63 qui réglemente la circulation des capitaux au sein et en dehors de l’Union européenne.

Article 63
1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

Si la fiscalité demeure une prérogative des États, celle-ci se voit fortement encadrée par les exigences du droit communautaire et se doit d’être conforme à celui-ci. Or l’article 63 instaure comme principe de base l’interdiction à un État d’exercer un contrôle sur les flux de capitaux entrants et sortants du territoire, c’est-à-dire, entre autres, qu’un État ne peut empêcher une entreprise de transférer des fonds dans ou depuis un autre État.

L’exit tax fut adoptée en 2011 en excluant de son champ d’application les contribuables français qui s’installeraient dans un pays de l’UE ou de l’Espace économique européen (EEE).

Cela signifie-t-il pour autant que la lutte contre l’évasion fiscale est interdite ? En théorie cette interdiction est tempérée par l’article 65, qui définit un certain nombre d’exceptions, mais en pratique la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne s’est montrée extrêmement stricte et pointilleuse sur l’application de ce dernier. Ainsi, le juge va évaluer si la mesure effectue une discrimination entre citoyens de l’UE, puis la proportionnalité de la réponse apportée, limitant de fait les possibilités réelles de lutte en invalidant les instruments mis en place par les États :

« L’existence d’instruments européens ou conventionnels permettant l’assistance administrative en matière fiscale conduit le juge à opérer un contrôle de proportionnalité très strict et à censurer des dispositifs nationaux de lutte contre la fraude et l’évasion au sein du Marché unique. » (Rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales du 17 juillet 2012, p. 299.)

Un exemple d’une telle interprétation juridique allant à contresens de la lutte contre l’évasion fiscale est celui de l’exit tax mise en place en 1998. Sa première version fut censurée par la CJUE en 2004, car elle introduisait une différence de traitement entre un résident français et un contribuable quittant le territoire. Elle put finalement être adoptée en 2011 en excluant de son champ d’application les contribuables français qui s’installeraient dans un pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (EEE), c’est-à-dire parmi ceux où se fait justement une grande partie de l’évasion fiscale.

En conclusion, la liberté de circulation érigée en principe juridique depuis le traité de Rome de 1957 empêche l’approfondissement de l’intégration en entretenant les divergences d’intérêts en matière fiscale tout en privant les États des instruments pour se prémunir contre l’évasion. C’est par ailleurs ce qu’en tire le rapporteur du Sénat (p. 413) : « De toute évidence, le droit de l’Union européenne, tel qu’il a été fait, apparaît comme le support idéal de l’évasion fiscale… » Il semble donc que la capacité de régulation et les mesures de rétorsion de l’Union européenne contre la stratégie d’optimisation d’Amazon soient fortement restreintes par la jurisprudence développée.

D. Condamnation d’Amazon par la Commission et conséquences

Pour autant que les règles demeurent favorables à la pratique de l’évasion fiscale, la Commission, en la personne du commissaire à la Politique de la concurrence, Margrethe Vestager, a attaqué le Luxembourg à la suite de l’enquête sur l’octroi de rescrits fiscaux et les révélations de Luxleak. L’amende infligée correspond au manque à gagner estimé pour le Luxembourg entre 2006 et 2014. Si cette condamnation intervient dans un cadre plus large impliquant d’autres entreprises du numérique et montre la capacité de rétorsion de la Commission, la sentence n’implique pas d’indemnisation des autres pays de l’UE dans lesquels Amazon fait son chiffre d’affaires. De plus, en faisant appel du jugement, le Luxembourg illustre l’absence de convergence d’intérêts avec ses partenaires européens et apparaît ici comme le meilleur rempart de la stratégie d’Amazon contre l’UE.

L’épilogue de cette affaire a vu la CJUE trancher en faveur d’Amazon et annuler l’amende, mettant par la même occasion hors de cause le Luxembourg et ses pratiques fiscales. Une conclusion similaire à celle qui avait opposé la Commission à Apple et à l’Irlande ou encore à Starbucks et aux Pays-Bas. Le droit européen, loin d’être un contrepoids se révèle à l’inverse être un tremplin de l’évasion fiscale au bénéfice des GAFAM (entre autres) et de certains des États de l’UE qui les protègent. Face à l’ampleur et au cumul, année après année, de ce pillage fiscal, il paraît indispensable de poser aux Français la question de la participation de la France à l’Union européenne.

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